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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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attaché, car il se permit de lui tenir la dragée haute, et d’être avec
lui de la dernière insolence.
    — Dieu du Ciel ! Insolent avec Sa Majesté !
    — Et à maintes reprises. Deux ou trois exemples
suffiront. Le roi blâmant sa paresse, Cinq-Mars répliqua qu’il ne la pouvait en
rien réformer. Et comme le roi menaçait de le renvoyer, il déclara qu’il
n’avait que faire du bien que le roi lui faisait, qu’il s’en passerait
volontiers, et qu’il serait aussi content d’être Cinq-Mars que Monsieur le
Grand. Là-dessus, le roi le renvoie. Cinq-Mars lui fait demander le lendemain
s’il trouve bon qu’il revienne à lui. Le roi accepte.
    — Il accepte ! dis-je. Après toutes ces
écornes ?
    — Eh oui ! Et dès lors qu’il accepte, Cinq-Mars
lui fait dire qu’il ne peut le venir voir, étant tout soudain mal allant.
    — Dieu bon ! Quelle affreuse coquette que ce
coquelet ! Il joue avec le roi comme le chat avec la souris.
    — Dans ce cas, je dirais plutôt que c’est la souris qui
joue avec le chat.
    — Pauvre chat ! Et quel jour nouveau cette
querelle jette sur le roi ! Louis le Juste ! Louis le roide et
l’implacable ! Le voilà avec ce béjaune l’homme de toutes les faiblesses.
Mon cher Fogacer, peux-je vous poser une délicate question ?
    — Ne la posez pas. Je la connais jà et y vais répondre.
Il est vrai qu’avec la mère dure et rabaissante qui fut la sienne, Louis ne
pouvait guère être attiré en ses enfances par le gentil sesso qui, dans
son cas, était le cattivo sesso [21] , et, bien sûr, cette
aversion lui fit rechercher la consolation d’amitiés masculines. Cependant,
même alors, il ne détestait pas les filles, tout le rebours. Il aimait fort ses
petites sœurs, passait beaucoup de temps à jouer au grand frère avec elles, à
les initier à la cuisine en leur cuisant de sa main des œufsmeslettes, à leur
faire de nombreux cadeaux, et il fut dans la désolation lorsqu’il fallut se
séparer de l’aînée quand elle s’embarqua pour la Bidassoa pour épouser le roi
d’Espagne. C’est vrai qu’il eut ensuite des difficultés avec la reine, et
qu’elle ne l’aida pas à les surmonter : avec tous ces complots contre lui,
et trahisons en tous genres.
    — Vous ne croyez donc pas, mon cher Fogacer, aux
venimeuses insinuations que répandent sur lui nos pimpreneaux et nos
pimpésouées de cour.
    — Pas du tout. Pour parler à la franche marguerite, je
ne discerne pas dans l’attachement de Louis à ses favoris le moindre grain de
bougrerie. Crede mihi experto Fogacero [22] .
     
    *
    * *
     
    Déjà nos cavaliers ferraient à neuf leurs chevaux et
fourbissaient sabres et piques, quand on apprit que la guerre avec la Lorraine
n’aurait pas lieu, le duc Charles venant à résipiscence et désirant traiter. Il
faisait bien, vu le nombre de villes que le roi de France lui avait déjà prises
pour le punir de l’aide apportée à Gaston dans ses rébellions. Cependant, si le
duc Charles n’avait pas trop à se glorifier dans ses mérangeoises, il faut bien
convenir que sa situation n’était pas non plus si facile. Son duché était
entouré par de puissants États : les Pays-Bas espagnols au Nord,
l’Autriche et ses vassaux à l’Est, et la France à l’Ouest. Si bien qu’il ne
pouvait être l’ami de l’une de ces fortes nations sans être du même coup
l’ennemi des deux autres. Raison pour laquelle sa fidélité était si relative et
si changeante. Le duc, jusque-là, avait marché main dans la main avec les
Impériaux, mais ce jour d’hui il préférait la nôtre, parce qu’elle lui
paraissait plus forte, et partant, plus apte à le protéger.
    J’étais si impatient d’annoncer à Catherine la bonne
nouvelle de la paix, que je demeurai ce jour-là fort peu de temps avec la
princesse de Guéméné, laquelle s’en piqua et me refusa froidureusement au
départir son baiser quotidien, lequel, donné de prime sur la joue, se
rapprochait, me semblait-il, insensiblement des lèvres. De ce refus je ne fus
pas tenté de m’en faire chattemitement une vertueuse victoire, alors que ma
volonté n’y était, certes, pour rien.
    Dès que j’eus annoncé à Catherine que la paix meshui était sûre,
elle se serra frénétiquement contre moi et les larmes coulant sur ses joues,
grosses comme des pois, elle prononça une phrase étonnante qui, ce jour d’hui
encore, résonne dans ma remembrance.
    — M’ami ! dit-elle, quelle joie

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