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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bon rang. Dites plutôt : ciel ! Je
reprends. Pour faire bon poids, Louis prêta au duc de Saxe-Weimar quelques bons
régiments français, et aussi un assistant qui devint son disciple dans l’art de
la guerre.
    — Et qui donc était-ce ?
    — Turenne.
    — Turenne ? Le Turenne qui devint le plus grand
général du siècle ?
    — Ah, il ne l’était pas encore, mais il y travaillait,
tout en apprenant le latin, la mathématique, l’allemand et le néerlandais.
    — Et qu’en fut-il du grandissime succès du duc de
Saxe-Weimar ?
    — Il s’empara de Brisach et de Fribourg.
    — Et où sont ces deux villes ?
    — M’amie, vous êtes une vraie Française. Vous ignorez
la géographie. Voici. Brisach est sur le Rhin et se situe à l’est de Colmar, et
Fribourg est à l’est de Brisach.
    — Et quel est l’intérêt de ces deux villes ?
    — Grandissime, m’amie, grandissime. Elles mettent
l’Alsace à l’abri des Impériaux, et ferment le chemin que prenaient les
Espagnols pour ravitailler leurs armées des Pays-Bas. Désormais, pour les
atteindre, elles devront passer par la mer et courre le risque de se heurter à
la flotte hollandaise ou à la nôtre, ce qui, comme bien on verra, fut fort
périlleux pour elles.

 
CHAPITRE VII
    Au début du mois de juillet 1639, le roi me confia une
mission auprès du duc de Saxe-Weimar, mission qui m’appelait hors de France, et
plongea Catherine dans les affres et les désolations. Toutefois, elle se
rasséréna dès lors qu’elle apprit que la mission était diplomatique et ne
comportait point, par conséquent, une suite de gîtes aux étapes, la plupart du
temps chez d’aimables veuves.
    Le duc de Saxe-Weimar, fort de nos subsides, de nos
ravitaillements en vivres et des régiments royaux dont nous avions étoffé son
armée de condottiere, avait saisi, après des sièges bien menés, Brisach et
Fribourg. Ces conquêtes étaient de grande conséquence puisqu’elles fermaient le
Haut-Rhin et, comme je l’ai dit plus haut, interdisaient de la sorte aux
troupes espagnoles, cantonnées en Italie, de porter secours par voie de terre
aux Espagnols des Pays-Bas. Il leur restait, c’est vrai, la voie de mer, mais
elle était pour eux très aléatoire, car leurs flottes risquaient d’être
attaquées dans l’Atlantique par la flotte française, forte meshui, grâce aux
efforts du cardinal, de quarante vaisseaux, ou pis encore par la forte flotte
hollandaise, la Hollande étant notre fidèle alliée, au grand scandale de nos
bons dévots [23] .
    Cependant, ayant conquis Brisach et Fribourg, le duc de
Saxe-Weimar sentit son cœur se gonfler d’une ambition démesurée. N’était-il pas
temps pour lui de mettre fin à sa vie errante de condottiere, et pour compenser
la perte de son duché de Saxe, de fonder un autre duché dans la Haute Vallée du
Rhin. Mais, bien entendu, pour réaliser cette opération, il ne fallait pas
remettre au roi de France les villes de Brisach et de Fribourg qu’il avait
conquises pour lui, et grâce à ses subsides.
    Ma mission, comme on le devine, avait pour fin d’amener le
duc à renoncer à un projet aussi déloyal, et pour lui périlleux, puisqu’il
allait provoquer le ressentiment de la France.
    Il est vrai que le duc de Saxe-Weimar avait beaucoup à se
glorifier dans la chair, ce dont le condottiere se paonnait fort, ayant
conquis, disait-il, autant de femmes que de villes.
    Il me reçut avec courtoisie et me traita bien, quoique avec
un soupçon de condescendance, mon duché de Montfort l’Amaury ne lui paraissant
pas être à la hauteur de son duché futur. Par malheur, sur le fond, il fut
d’entrée de jeu adamantin. Il ne livrerait jamais au roi de France les belles
et bonnes villes qu’il venait de conquérir. Je fis néanmoins son siège, aidé
par le jeune Turenne, son assistant et disciple, et aussi par le comte de
Guebriant, qui commandait les régiments français que Louis avait confiés au duc
de Saxe-Weimar pour augmenter ses forces.
    Je fus assez bien logé à Brisach chez une veuve qui vénérait
les ducs, et davantage encore les ducs français. Dès qu’elle me vit, elle
s’écria tout à trac : « Ach, Herzog ! Sie sind ein sehr
schöner Mann [24]  !  » , déclaration dont je ne pouvais qu’être satisfait, tant elle laissait
prévoir que je serais l’objet d’affectueux traitements. Était logé à la même
enseigne et dans la même chambre le comte de Guebriant, lequel était breton

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