Le Glaive Et Les Amours
et soulas !
La Dieu merci, c’est la paix ! Vous ne serez ni tué, ni infidèle.
Je dois confesser ici que je n’aurais jamais mis sur le même
plan la mort et l’infidélité. Mais il y a apparence que nos dames, là-dessus,
pensent différemment de nous.
En ma qualité de duc et pair, je fus invité à
Saint-Germain-en-Laye pour assister le vingt et un mars à la signature du
traité entre Louis et Charles de Lorraine. Il y eut, si je puis dire, deux
signatures données à ce traité : la première, temporelle ; la
seconde, spirituelle, et qui m’étonna fort, car je n’avais jamais ouï parler
d’une telle procédure. La première fut signée des deux parts avec une plume sur
un parchemin. Mais la seconde, tout à fait inattendue, eut lieu après vespres
dans la chapelle du château en présence du roi, de la reine et de Richelieu, et
de quelques ducs et pairs dont j’étais. Le roi était agenouillé sur un coussin
de velours et appuyé sur un accoudoir. De l’autre côté de la traverse, le duc
de Lorraine était pareillement accommodé. Les vespres terminées, Monseigneur
Séguier, évêque de Meaux, frère du chancelier et premier aumônier du roi, se
dirigea vers Louis, le livre de l’Évangile en mains. Après que le roi eut baisé
le Saint Livre, Monsieur de Meaux lui demanda de jurer et promettre à Dieu sur
l’Évangile d’observer inviolablement le traité conclu avec le duc de Lorraine.
Et après que le roi eut juré, Monsieur de Meaux présenta l’Évangile au duc de
Lorraine et lui demanda de prêter le même serment. Alors, et alors seulement,
la bénédiction fut donnée.
Dès que je revis Fogacer, je lui demandai la raison de cette
procédure inhabituelle.
— Je l’ignore, dit Fogacer, mais je peux l’imaginer. Le
duc de Lorraine a si souvent trahi ses engagements que Richelieu a estimé
nécessaire de le lier cette fois par un serment de caractère religieux, le duc
étant pieux et craignant l’Enfer.
*
* *
— À moi, Monsieur ! Deux mots, de grâce !
Ôtez-moi d’un doute. Le traité de la Lorraine avec la France fut-il signé avant
ou après la bataille de La Marfée où Soissons, rebelle à son roi, vainquit les
royaux et perdit sa victoire en perdant la vie ?
— Avant, Madame, avant ! Le traité fut signé le
vingt-neuf mars 1641, et la bataille de La Marfée eut lieu le six juillet de la
même année.
— Dans ces conditions, Monsieur, pourquoi avez-vous
décrit la bataille de La Marfée avant le traité avec la Lorraine ?
— M’amie, vous tirez l’épée contre moi à l’improviste.
Mais je vais m’expliquer. Des deux événements, la bataille de La Marfée était de
beaucoup la plus importante. Si le comte de Soissons n’avait pas perdu la vie
après sa victoire, les conséquences pour le roi de France eussent été
désastreuses.
— Mais n’est-ce pas une erreur de votre part d’inverser
les deux événements ?
— M’amie, c’eût été en effet une erreur, si vous ne
l’aviez pas corrigée. On voit bien par cet exemple que si vous n’existiez pas,
belle lectrice, il eût fallu que je vous invente. Avez-vous d’autres
questions ?
— Oui-da. Pourquoi cette guerre avec l’Espagne et les
Impériaux est-elle si interminable ?
— Parce que les forces des deux adversaires, bien que
différentes, sont égales. Les Français sont plus nombreux, mais les Espagnols
disposent de l’or des Amériques. Ils ont aussi une très bonne flotte. La nôtre,
que nous devons à Richelieu, doit encore faire ses preuves. Enfin, les
Espagnols ont un allié de poids : les Impériaux, lesquels menacent notre
frontière de l’Est.
— Mais Louis n’a-t-il pas aussi des alliés ?
— Si fait. Et les dévots de France les lui reprochent
assez.
— Et pourquoi cela ?
— Parce qu’il se trouve que ses alliés sont tous
protestants : l’Angleterre, la Suède, la Hollande et les princes
luthériens d’Allemagne.
— Je ne savais pas que la Hollande était protestante.
— En fait, elle est plutôt anabaptiste.
— Et qu’est-ce que cela veut dire ?
— Les Hollandais pratiquent le baptême des adultes par
immersion comme du temps du Christ.
— Nus ?
— Avec une chemise.
— N’empêche, l’eau doit plaquer joliment le tissu sur
les formes féminines.
— M’amie, il s’agit d’un baptême ! Ne seriez-vous
pas un peu frivole ?
— Et je m’en félicite, tant j’y trouve de joies. Il
semblerait
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