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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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quérir.
    Louis sommeillait. Son lit, fort peu royal, n’était qu’un
matelas jeté sur les deux banquettes qui se faisaient face – deux
tabourets, placés sous le matelas dans le vide entre les banquettes, assurant
sa stabilité. Le visage du roi était pâle et creusé, ses deux mains étaient
placées sur son ventre, comme s’il eût tenté d’assouager sa douleur.
    — Ah c’est vous, Sioac, dit-il d’une voix assez
ferme, prenez place ! Je suis bien aise de vous voir.
    — Sire, je suis très touché de l’accueil que me fait
Votre Majesté.
    — Mais tu le mérites, Sioac. Tu as toujours été
un de mes plus fidèles serviteurs.
    — Sire, derechef je vous remercie, et je fais des vœux
fervents pour que vous guérissiez le plus vite possible du mal qui vous poigne.
    — Mais ce n’est là qu’une partie de mon tracassement,
dit alors le roi. Je viens d’apprendre par un courrier que Monsieur le cardinal
est fort mal allant, et si son mal est aussi grave que le mien, je crains pour
l’avenir de ce royaume.
    — Mais, Sire, je suis bien certain que vous allez vous
remettre, comme vous le fîtes à Lyon, après qu’on eut craint le pire.
    — Mais à Lyon, Sioac, ce fut un miracle de Dieu,
l’abcès dans mon ventre crevant de soi et s’évacuant dans un flot de sang.
Est-il sage d’attendre de Dieu un deuxième miracle ?
    — À Dieu plaise, Sire ! Tout le royaume en ce
moment prie pour vous, et il ne se peut que ces prières n’aient aucun effet,
tant elles sont nombreuses et ferventes.
    — Plaise à toi meshui que nous ne parlions plus de mes
terrestres jours. Ce que je désire présentement de toi, Sioac , c’est un
exploit de ta merveilleuse remembrance.
    — Sire, la grand merci, mais est-elle si
merveilleuse ?
    — Ne sais-tu pas, en plus de ta langue maternelle,
trois autres langues ?
    — Si fait !
    — Eh bien, voici ce que je veux de toi : me
ramentevoir présentement toutes les campagnes que j’ai faites durant mon règne.
    Si étrange que me parut cette exigence qu’il avait déjà
formulée quelques jours plus tôt, ce qui ne laissa pas de m’étonner, je ne pouvais
que je ne l’acceptasse. Et je me mis à l’œuvre, la voix haute et claire,
récapitulant toutes ses campagnes : la conquête de Suse en Italie,
l’occupation de Pignerol, la défense de Casal, le siège de La Rochelle, les
villes conquises en Lorraine ou sur le Rhin, la guerre victorieuse contre les
Espagnols et les Impériaux, et enfin – last, but non least – la
reconquête de l’Artois et celle du Roussillon. En fait, comme je m’y attendais,
Louis connaissait le détail de ses guerres bien mieux que moi, et il eut
l’occasion plus d’une fois de me corriger, ce qu’il fit non sans plaisir, à ce
qu’il me sembla. Il n’ajouta aucun commentaire à ma râtelée, mais à interroger
discrètement son visage, il me parut qu’il éprouvait une profonde satisfaction
devant l’œuvre qu’avec l’aide de Richelieu il avait accomplie pour protéger et
parfaire son royaume.
    —  Sioac, reprit-il, j’ai une difficile mission à
quérir de toi et je dirais même que c’est une épreuve, et je doute que tu
l’acceptes.
    — Sire, doutez-vous de mon acquiescement ?
    — En aucune façon. Oyez, Sioac, voyez ce qu’il
en est. J’aimerais que, monté sur votre Accla et suivi d’une dizaine de
mousquetaires, vous tâchiez de rattraper Monsieur le cardinal. Outre une
douzaine de mousquetaires que je vous donnerai comme escorte, prenez avec vous
le révérend docteur médecin Fogacer. Bouvard, qui soigne un cardinal, est
toujours si évasif. Qui pis est, il écrit et parle un jargon latin à peu près
inintelligible. Je voudrais en avoir le cœur net et savoir où en est le cardinal.
Il a pris comme nous le chemin de Paris, et ne doit pas nous précéder de
beaucoup. Dès que vous l’aurez rattrapé, dites à Fogacer d’examiner le
cardinal, de coucher par écrit ce qu’il en pense, lequel écrit vous me ferez
aussitôt parvenir par courrier.
    Ainsi fut fait. Je rattrapai le cardinal de Richelieu à
Roanne, au moment où il allait s’embarquer, préférant la voie des rivières et
des canaux, pour la raison qu’elle était bien moins cahotique que la route. Il
m’invita ainsi que Fogacer à l’accompagner sur son bateau, tant est que je
confiai mon Accla, ma carrosse et mon escorte à Nicolas en lui donnant
rendez-vous à Nemours où nous devions quitter la voie fluviale.

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