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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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la
boisson.
    — Je vais donc tenter ma chance, dis-je, et je donnai
discrètement un écu à l’huissier (comment donner moins à un huissier du roi) et
l’huis fut déclos pour moi.
    Comme c’était étrange de marcher seul dans ces couloirs du
Louvre, sans les pimpreneaux et les pimpésouées qui les encombraient du matin
au soir, riant, jacassant, et daubant leur prochain !
    Je toquai à la parfin à l’huis de la princesse de Guéméné,
et il fallut du temps avant que son majestueux maggiordomo apparût, fort
béant de me voir là, alors que sa maîtresse aurait dû n’y pas être.
    — Monseigneur, dit-il, je vous salue très humblement.
    — Je suis là parce que j’ai ouï que la princesse de
Guéméné n’était point encore départie.
    — En effet, Monseigneur, et c’est la faute à ces
coquefredouilles de chambrières qui caquettent et jacassent à l’infini, tant
est qu’il leur faut une heure pour plier une robe.
    On remarquera que, dans le domestique, les supérieurs sont
bien plus méprisants à l’égard de leurs inférieurs que les maîtres, et dans les
occasions les tabustent et les tracassent sans la moindre pitié.
    À l’entrant chez la princesse, je vis du premier coup que je
ne pouvais tomber plus mal : la belle peignait ses ongles en rouge,
opération si délicate que, n’osant la confier à une chambrière, elle l’assurait
elle-même. Dès qu’elle me vit, elle leva une main en l’air et s’écria :
    — Duc, de grâce, ne m’approchez pas ! Vous
gâcheriez tout !
    — Dans ces conditions, ne ferais-je pas mieux de me
retirer ? dis-je quelque peu piqué de cet accueil.
    — Nenni, nenni, dit-elle, vous me fâcheriez à l’infini
si vous agissiez ainsi. Prenez place là sur ce tabouret, à mes pieds, et sans
mot dire adorez-moi. Cela m’aidera prou à faire ma tâche.
    — Sans mot dire, m’amie ! Mais ce silence est
fatal aux gens qui s’aiment ! Autant prendre congé de vous !
    — Nenni, nenni, vous me fâcheriez. Racontez-moi plutôt
vos campagnes.
    — Dieu bon ! C’est déjà bien assez ennuyeux de les
faire. Faut-il encore les conter, qui pis y est, à quelqu’une qui n’y prendra
pas le moindre intérêt !
    — Alors, parlez-moi des dames qui vous ont voulu du
bien au cours de vos voyages.
    — Que diantre, Madame ! Suis-je un de ces
pimpreneaux de cour qui se vantent à tous vents de leurs conquêtes !
    — Il ne s’agit pas de vous vanter, mais de me divertir.
De grâce, parlez ! Vous êtes une proie si facile pour une femme de quelque
agrément. Elle vous donne le bel œil, et jà, vous voilà pris. Elle n’a plus qu’à
vous passer le licol.
    — Puisque me voilà cheval devenu, je peux, certes,
hennir, mais la Dieu merci, Madame, je ne sais plus parler.
    — De grâce, mon ami, parlez-moi ! Contez-moi vos
conquêtes.
    — Nenni ! Je serai adamantin dans ma résolution.
    — Mais c’est que je suis fâchée !
    — Mais de votre fâcherie je me fâche.
    — Donc, point de récit ?
    — Nenni.
    — Qu’est devenu ce fameux licol que je vous ai
passé ?
    — Vous avez tiré trop fort, il est rompu.
    — Et pourquoi ?
    — Comme souvent le cheval, je suis fier et têtu.
    — Voudrez-vous m’obéir si je vous baille un boursicot
de clicailles ?
    — Fi donc ! Je suis sinon plus riche, du moins
moins dépensier que vous.
    — Monsieur, sous la contrainte je joue mon dernier
atout : si vous promettez de me céder, je vous conte, moi, les
retrouvailles de la reine avec le roi à son retour du Roussillon.
    — Et comment savez-vous si ce conte est vrai ?
    — Cela se passa à Fontainebleau et j’étais là.
    — Bargoin conclu ! Je vous ois !
    — Eh bien, ce fut sinon un scandale, du moins une
surprise immense pour la Cour. Voici comment il en alla. La reine, sachant par
ses courriers que Louis, retour du Roussillon, allait s’arrêter de prime à
Fontainebleau, s’y établit à l’avance et l’attendit, et du diantre si je sais
comment elle savait que le roi allait s’arrêter de prime dans ce château.
    — M’amie, je vais vous le dire. Le roi aime
Fontainebleau de grande amour parce qu’il y est né, il y a sa chambre, il y
couche encore quand il lui arrive de séjourner au château. Il va même jusqu’à y
réunir son Conseil. Ce qui ne nous plaît guère à nous autres, car la chambre
est si petite qu’à part le roi, nous sommes tous assis sur des tabourets.
    — Les pauvres !

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