Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
Comme je vous plains ! Vous
êtes aussi mal assis que les duchesses ! Quels tendres culs sont les
vôtres !
    — Madame, de grâce, trêve de méchantises !
    — Adonc, je poursuis. Le roi, très attendu, survient
enfin, toute la Cour se lève et se prosterne, la reine s’élance pour
l’étreindre, mais n’y peut parvenir, car il n’ouvrit pas les bras, et de sa
main droite dressée l’arrêta dans son élan.
    « — Madame, dit-il avec la dernière froidure, je
suis bien aise de vous voir et j’espère que vous êtes en bonne santé.
    « Puis sans un mot de plus, il lui tourna le dos et
gagna son trône.
    — Dieu du Ciel ! Et ce fut tout ?
    — Absolument tout. La Cour fut consternée. Et le plus
étonnant fut sans doute que personne ne pouvait expliquer pourquoi Louis avait
agi si rudement avec la reine.
    — C’est sans doute que la Cour, toute à ses petites
intrigues, oublie vite les incidents politiques de grande conséquence. Mais
Louis, lui, n’oublie jamais rien, et il est aussi tenace dans ses rancunes que
dans ses gratitudes. Il gardait donc à la reine quelque mauvaise dent dont la
plus récente était qu’elle eût consenti à cacher le traîtreux traité de Madrid,
rapporté en France par Fontrailles. De ce fait, sans bien s’en rendre compte,
elle s’était associée au complot de Cinq-Mars contre la vie de Richelieu.
    Ce n’était pas la première, mais la troisième fois que la
reine trahissait le roi. Le lecteur ne peut qu’il ne se souvienne qu’ayant eu
vent du projet d’assassinat du roi par le comte de Chalais, elle négligea de
lui faire part du danger qu’il courait. Et qui pourrait oublier, hélas, les
lettres qu’elle écrivit au comte-duc Olivarès aux fins de le renseigner en
pleine guerre sur les mouvements de nos armées, le plus incriminateur de ces
documents étant « la lettre du tétin » ainsi appelée par nos
pimpésouées de cour par allusion à la vaine et désespérée tentative de la reine
quand elle arracha des mains de son accusateur la missive incriminatrice et la
fourra dans son giron : douce cachette assurément, mais trop ouverte pour
n’être pas fouillée.
    À vrai dire, quand j’ouïs des tendres lèvres de la princesse
de Guéméné la rebuffade que le roi, à son retour, avait infligée à la reine,
j’en fus bien marri et pour l’un et pour l’autre, le roi étant alors presque
aussi mal en point que le cardinal et ayant besoin de quelque tendresse
féminine. Quant à la reine, elle était fort terrifiée à l’idée d’être, une fois
devenue veuve, la régente d’une France si fertile en cabales, complots et
assassinats.
    Le roi, quand il pouvait encore tenir debout, alla visiter
Richelieu sur sa couche, et sachant par le docteur Bouvard qu’il mangeait fort
peu, il lui fit de ses mains royales une œufmeslette de deux œufs, comme il
avait fait jadis pour ses deux sœurs, quand elles n’étaient encore que
fillettes et lui-même un grand frère très affectueux. Maugré ces soins amicaux,
le cardinal et le roi avaient encore des brouilleries. Le cardinal, ses forces
déclinant chaque jour, craignait qu’on le voulût assassiner, et demanda au roi
d’éloigner de la Cour quatre officiers qu’il considérait comme dangereux, parce
qu’ils avaient été fort avant dans l’amitié de Cinq-Mars. Il s’agissait d’une
part de Troisville, capitaine des mousquetaires, de Tilladet, des Essarts et La
Salle, tous capitaines aux gardes.
    Louis trouva cette demande absurde et messéante. Il répliqua
que les officiers en question étaient à lui et ne lui avaient jamais donné la
moindre raison de douter de leur fidélité. Il ajouta plutôt sèchement qu’il ne
se mêlait pas de ceux qui servaient le cardinal et qu’il ne voulait pas non
plus que le cardinal se mêlât des siens.
    Richelieu lui dépêcha alors Chavigny pour plaider plus outre
sa cause. « Si Son Éminence, dit Chavigny, apprenait qu’il y eût dans son
entourage quelqu’un qui déplaise au roi, il ne le verrait plus jamais. »
« Dans ce cas, dit sèchement le roi, il ne vous verrait plus jamais, car
je ne vous saurais souffrir. »
    Le pauvre Chavigny – secrétaire d’État connu pour sa
suffisance et son honnêteté – fut tout chaffourré de chagrin de cette
rebuffade. Le cœur ulcéré, il alla conter à Richelieu l’écorne que le roi lui
avait faite, et Richelieu, exaspéré, écrivit au roi que, puisque Sa Majesté ne
voulait pas

Weitere Kostenlose Bücher