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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sans
ambages ce qui suit : « S’il y a des gens qui croient que, parce que
le cardinal est mort, ils ont gagné leur procès, je voudrais qu’ils sachent que
je ne changerai pas de maximes, et que je les appliquerai avec encore plus de
rigueur que le cardinal. »
    Et sans tarder, il appela Mazarin au Grand Conseil du roi,
et confirma Chavigny et Noyers dans leurs ministères. En apprenant ces
nouvelles pour eux si consternantes, nos pimpreneaux de cour opinèrent que le
cardinal devait être le diable, puisque, même après son décès, il régnait
encore.
    Les nuits qui suivirent la mort de Richelieu furent pour moi
des nuits d’insomnies. Je mets un « s » à insomnies, car elles furent
entrecoupées de rêveries plus pénibles qu’elles, tant elles me représentaient
l’avenir sous les jours les plus sombres, les ennemis du cardinal et de sa
politique reprenant le dessus, et se vautrant dans la vassalité de l’Espagne. Non
content de cet abaissement, ils reprenaient cette grande œuvre si peu
évangélique et si ardemment désirée des dévots : l’éradication par le fer
et le feu des protestants français.
    Le lendemain, au déjeuner, ma Catherine, me voyant si
chaffourré de chagrin, m’en demanda la cause, et je lui contai ce qu’il en
était.
    — Mais, dit-elle, ne m’avez-vous pas dit que Louis a
déclaré publiquement qu’il suivrait les maximes du cardinal, et poursuivrait la
même politique avec l’aide de Mazarin ?
    — Il en a l’intention, mais pourra-t-il le faire ?
S’il meurt, la reine deviendra régente et que deviendra alors le royaume de
France gouverné par cette Espagnole ?
    — Détrompez-vous, m’ami, la reine n’est plus Espagnole,
elle est Française devenue.
    — Et depuis quand ? Et par quel miracle ?
    — La naissance du dauphin. Étant la mère du futur roi
de France, elle entendit à la parfin qu’elle ne pouvait d’ores en avant que le
défendre bec et ongles contre ses ennemis, fût-ce même contre l’Espagne.
     
    *
    * *
     
    Ce jour-là, qui était un vendredi, Fogacer vint partager
notre déjeuner en notre hôtel de la rue des Bourbons, et à peine fut-il assis
que Catherine lui demanda comment le roi allait.
    — Il est mal allant, et ses médecins, mes savants
confrères, se disputent pour savoir s’il faut appeler sa maladie un flux
hépatique ou une fièvre étique, beaux mots qui sonnent bien et qui
cachent leur abyssale ignorance [33] .
    — Et vous, qu’opinez-vous, mon cher Fogacer ?
    — Je n’opine rien, ne sachant rien. Tout au plus,
peux-je aventurer une hypothèse.
    — Laquelle ?
    — Les symptômes dont Louis pâtit sont les mêmes que
ceux de la maladie qui l’accabla à Lyon : il souffre fort du ventre, la
fièvre est élevée et il ne mange plus. On peut donc supposer qu’il souffre
derechef d’un abcès dans les entrailles et qu’il n’y a plus qu’à souhaiter que
cet abcès, comme celui de Lyon, crève de soi et s’écoule en un flot de sang par
la porte de derrière.
    — Que font les docteurs ?
    — Ne pouvant employer leurs remèdes habituels, tels que
la saignée et la purgation, ils n’ont pu que mettre le roi à la diète, ce qui
était facile, car il ne mange rien. Ils n’osent pas le saigner, tant il est
faible, ni lui donner un lavement tant ils craignent d’aggraver sa douleur.
    — On ne peut donc rien faire ?
    — À part lui ouvrir le ventre, ce qui n’est pas
possible, rien. On ne peut qu’attendre et prier Dieu.
    Le roi, lors de la reconquête du Roussillon, souffrait déjà
âprement de son mal, et passait le plus clair de son temps allongé sur un lit
de camp. Cependant, il avait encore des rémissions qui lui permettaient de
monter à cheval. Hélas, Louis, meshui, était bien loin de ces bienfaisantes
chevauchées. Fuyant le Louvre et le mauvais air de Paris, il s’était installé
au château neuf de Saint-Germain où il avait jadis, d’ordre d’Henri IV,
vécu ses enfances. On se rappelle qu’étant de peu son aîné, j’avais joué avec
Louis dans le parc du château toute une après-midi, et qu’avant de départir, je
lui avais baillé mon enfantine arbalète. Cadeau dont vingt ans plus tard il se
ramentevait encore, m’appelant gentiment Sioac, comme au temps de nos
enfances, le « r » lui étant encore inaccessible. Autant dans les
affaires du royaume Louis pouvait bien plus que Richelieu se montrer dur et implacable
envers ceux qui avaient trahi sa

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