Le Glaive Et Les Amours
droit canon ?
— Je ne saurais affirmer que ce fut pour lui apprendre
à obéir au pape, étant évident qu’un doctorat en droit canon ne peut que
déboucher sur un épiscopat.
— Ce qui se fit ?
— Oui, mais plus tard. Mazarin fut d’abord par intérim
nonce du pape à Milan, poste diplomatique qui lui donna l’occasion d’encontrer
Richelieu et Louis et de faire apprécier d’eux ses rares talents de diplomate.
— Sont-ils aussi admirables qu’on le dit ?
— Ils sont admirables en soi et plus encore la
vaillance qui les accompagne.
*
* *
— Monsieur, un mot de grâce !
— Madame ! N’avez-vous pas vergogne d’interrompre
le révérend docteur médecin chanoine Fogacer ?
— Monsieur, c’est que je suis béante. C’est peu souvent
qu’un évêque a l’occasion de prouver sa vaillance et je voudrais savoir comme
cela se fit.
— Devant Casal. Casal, si vous me permettez de vous le
ramentevoir, est en Italie du Nord une place forte que Louis saisit lors de sa
première expédition en Italie. Comme disent nos maréchaux, c’était « la
clef de l’Italie du Nord ». Mais une clef qui nous coûta prou car il
fallut la défendre contre les Espagnols : ils savaient bien que nous
étions là, non point en conquérants, mais pour leur interdire de se rendre
maîtres de toute l’Italie du Nord, ce qui eût eu pour effet de joindre sans
encombre leurs armées à celles des Impériaux.
— Et qui défendit Casal ?
— Louis ne lésina pas. Il choisit Toiras.
— Toiras ? N’est-ce pas le maréchal qui défendit
victorieusement avec vous la citadelle de l’île de Ré contre les Anglais ?
— M’amie, vous êtes un ange et vous en avez la mémoire.
Toutefois, je n’étais pas le second de Toiras en cette citadelle, mais son
truchement en langue anglaise, et Toiras n’était pas encore maréchal.
Néanmoins, il résista si bien que jamais les Anglais ne purent le déloger, et
il sauva ainsi l’île de Ré.
« Connaissant bien sa réputation, l’Espagne ne lésina
pas non plus et envoya pour reprendre Casal le marquis de Spinola que l’Europe
entière admirait parce qu’il avait pris Breda après un siège longuissime. Le
siège de Casal aurait duré tout autant si Mazarin n’avait pas réussi à négocier
une trêve. Mais à peine fut-elle signée que survint, venant de France, une
nouvelle armée commandée par Schomberg, laquelle se trouva face à face avec les
assiégeants espagnols. Et l’affaire eût sans doute mal tourné si Mazarin
n’avait pas bondi à cheval et surgi entre les deux armées prêtes à en découdre,
les mousquets chargés et les piques basses. Mais l’une et l’autre furent
béantes de voir un homme d’Église se mettre en grand péril d’être tué en
galopant entre les lignes, brandissant son traité de trêve au-dessus de sa tête
et criant d’une voix forte : « Pace ! Pace ! » Les soldats observèrent, béants, leurs chefs, lesquels hésitaient, car tout
était prêt, de part et d’autre, pour un massif égorgement. Schomberg se décida
le premier, étant lui très épargnant du sang de ses soldats. Précédé d’un
héraut, il s’avança vers le marquis de Spinola, et descendant de cheval lui
donna une forte brassée. Dès cet instant, les blanches colombes de la paix
voletèrent au-dessus de nos têtes. On désarma les mousquets et on leva les
piques.
— Monsieur, je suis béante de ce magnifique courage
chez un homme d’Église. Peux-je encore vous poser question ?
— M’amie, posez, posez !
— D’où vient que Mazarin plus tard fit une si brillante
carrière en France et non en Italie ?
— Quand vous êtes un homme de très grand talent comme
Mazarin, vous ne pouvez que susciter la haine des médiocres. En l’occurrence,
le médiocre fut Francesco Barberini, dont tout le mérite – largement récompensé
– se réduisait à être le neveu du pape et par conséquent son secrétaire. Quand
Louis XIII et Richelieu demandèrent au pape de leur bailler Mazarin comme
nonce apostolique, le pape, sous l’influence de Barberini, refusa.
— Mais n’était-ce pas impertinent de la part du pape de
refuser au roi de France le nonce de son choix ?
— Assurément ! Et il n’eût jamais osé agir ainsi
envers Philippe IV. Il eût trop craint pour ses États.
— Et que fit Louis ?
— Il invita Mazarin à venir vivre en France, et dès
qu’il eut touché le sol français, il
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