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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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revêches
laiderons. Tant est que le petit drôle ne se sentait aimé, ni par son entourage
féminin, ni par sa mère, avec lui toujours impérieuse et rabaissante. À vrai
dire, il ne l’aimait pas non plus, détestant la façon méprisante dont elle le
traitait et l’humiliait, et il aspirait avec force au pouvoir royal qu’elle
refusait de lui transmettre. Madame, pardonnez-moi ces propos. Tout ce que j’ai
dit à cette heure je l’ai déjà dit, et seul mon chagrin excuse mes redites.
    — Monsieur, puis-je vous poser encore questions ?
Je crains de vous fatiguer.
    — Belle lectrice, à vous voir, qui ne se
défatiguerait ?
    — Dieu du Ciel, encore un compliment ! Par tous les
dieux, d’où vient ce fol amour pour le gentil sesso  ?
    — J’aime mes semblables, et plus encore, quand ils sont
un peu dissemblables. Mais il se peut aussi que mon père m’ait transmis cette
passion. Ramentez-vous que jusqu’à son extrême vieillesse il a aimé sa Margot,
si passivement qu’il se sentait fort malheureux quand elle le quittait plus de
quelques minutes.
    — Si vous aviez à définir le défunt roi, que
diriez-vous ?
    — Dès ses enfances, il voulut être, comme son père, un
roi-soldat, et il le fut, préférant être offensif plutôt que défensif.
    — Qu’entendez-vous par là ?
    — Quand il devint roi, le grand péril pour la France
était l’hégémonie que les Habsbourg d’Autriche et les Habsbourg d’Espagne
tâchaient d’établir en Europe, non sans succès, les Espagnols s’étant rendus
maîtres des Pays-Bas, et ayant conquis en Italie une grande partie du Piémont.
D’où cette lutte interminable pour s’emparer de la Valteline, passage facile
qui permettait aux Espagnols de franchir les Alpes et de rejoindre l’Autriche
par le chemin le plus facile afin de ravitailler leurs troupes des Pays-Bas.
Mais la Valteline perdit de son intérêt quand Louis envahit l’Italie avec une
puissante armée, occupa Suse et saisit successivement Casal et Pignerol,
lesquelles étaient, comme disaient nos maréchaux, les « clefs de
l’Italie ». Chose curieuse, les maréchaux oublient toujours que ces clefs
n’ouvrent les portes que lorsqu’elles sont accompagnées par des soldats, des
cavaliers et des canons…
    — Mais, Monsieur, que devinrent pour lui les « clefs
de l’Italie » ?
    — La lutte fut rude pour les garder, surtout en ce qui
concerne Casal, mais la présence française en Italie eut cependant une
influence heureuse sur les événements. Elle empêcha la présence espagnole de
s’étendre dans la péninsule, menace qui n’était que trop réelle, le pape
lui-même redoutant que ces bons catholiques ne s’emparent à la fin de ses
États.
    « Au nord de la France, la Lorraine, petite grenouille
tâchant de se faire aussi grosse que le bœuf, s’était très tôt déclarée hostile
à Louis, et donnait asile à tous les traîtreux français, Gaston compris, qui
conspiraient contre Louis. Il fallut par deux fois lancer contre la Lorraine
des expéditions pour venir à bout de ce petit duc. Mais ce faisant Louis lui
prit tant de villes qu’on pouvait dire à la fin du règne que la Lorraine était
à nous.
    « L’Autrichien aussi était un ennemi, ce qui explique
pourquoi, lorsqu’il conquit la Lorraine, Louis occupa sur le Rhin une ville
impériale et un peu plus tard, si bien on s’en ramentoit, il bailla de généreux
subsides au duc de Saxe-Weimar qui conquit pour lui Brisach et Fribourg, autres
villes qui nous permettaient une forte présence sur le Rhin. À la parfin,
Louis, après des combats très durs, repoussa une invasion de l’Empire et de
l’Espagne, et reprit aux Espagnols l’Artois et le Roussillon. Nous verrons si
le dauphin fera mieux.
    — Le dauphin ! Monsieur, ne parlez plus de
dauphin ! Pardonnez-moi de vous rappeler la loi salique : dès la
minute, que dis-je, dès la seconde où le roi meurt, le dauphin ipso facto devient le roi. Le fil royal ne se rompt pas un seul jour.
    — La grand merci, belle lectrice, de ce courtois
rappel. En effet, je l’avais oublié.
    — Peux-je profiter de votre merci pour vous poser
encore questions ?
    — Je vous ois.
    — Quel âge a la régente ?
    — Je vais répondre et vais même en dire plus que vous
ne m’avez demandé. La reine a quarante-deux ans. Bien que fort attrayante
encore, elle n’est plus aussi belle qu’au temps où Buckingham lui faisait une
cour dévergognée.

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