Le grand voyage
jusqu’à ce que je sois encore prête à te
recevoir. Tu as deviné avant même que je te le dise.
— Mais si, tu me l’as dit. Mais pas avec des mots, c’est
tout. Tu m’as enseigné le langage du Clan, les signes, les gestes, les
mimiques, et moi j’essaie de découvrir d’autres signes.
— Mais je ne te les ai pas appris, ceux-là. Je ne les
connais pas moi-même. Et tu savais déjà me donner les Plaisirs avant de
comprendre les signes du Clan, s’étonna-t-elle.
L’anxiété qu’il lisait sur son visage lui arracha un sourire.
— Oui, c’est vrai. Mais il y a aussi un langage inarticulé
chez ceux qui se servent de la parole, même s’ils n’en sont pas conscients.
— Oh, j’ai remarqué, affirma Ayla en pensant à tout ce qu’elle
devinait à partir des mimiques et attitudes de ses interlocuteurs à leur insu.
— Parfois, on apprend comment... comment faire certaines
choses parce qu’on le désire très fort. Alors on est très attentif,
précisa-t-il. Elle l’avait observé pendant qu’il parlait, ravie de son regard
amoureux, du plaisir qu’il prenait à répondre à ses questions d’un air absent.
Il semblait fixer le lointain et elle comprit qu’il pensait à quelqu’un.
— Surtout si tu tires ton savoir d’une personne qui aime te
le transmettre, hasarda-t-elle. Zolena était-elle un bon maître ? Stupéfait,
il rougit et détourna les yeux, gêné.
— Tu m’as appris beaucoup, toi aussi, reprit-elle,
comprenant que sa remarque l’avait troublé.
Il semblait vouloir fuir son regard.
— Ayla, comment as-tu deviné à quoi je pensais ?
demanda-t-il enfin, le front soucieux. Je sais bien que tu as des Dons, c’est
pour cela que Mamut t’a adoptée, mais j’ai parfois l’impression que tu lis dans
mes pensées. C’est bien ce que tu as fait, n’est-ce pas ? Tu as lu dans
mes pensées ?
Ayla vit dans son regard une sorte d’inquiétude mêlée d’effroi.
Elle avait déjà rencontré cette crainte à la Réunion d’Été chez certains
Mamutoï qui se méfiaient de ses étranges pouvoirs, mais c’était surtout dû à un
malentendu. Ils pensaient, par exemple, qu’elle possédait un pouvoir sur les
animaux, alors qu’elle n’avait fait que les recueillir tout bébés et les élever
comme ses propres enfants.
Mais un changement s’était opéré en elle depuis le Rassemblement
du Clan. Elle n’avait pas bu exprès le breuvage de racines qu’elle avait
préparé pour les mog-ur, seul le hasard l’y avait poussée. Elle n’avait pas non
plus voulu s’introduire dans la grotte pour observer les mog-ur, c’était
arrivé, voilà tout. Lorsqu’elle les avait vus assis en cercle, au fond de la
grotte... et qu’elle avait été attirée dans un gouffre intérieur, elle avait
cru être perdue à jamais. Et pourtant, Creb l’avait rejointe et lui avait
parlé, là, dans l’abîme de sa mémoire. Depuis, il lui arrivait de comprendre
des choses qu’elle ne pouvait expliquer. Comme la fois où Mamut l’avait
entraînée dans sa Recherche à travers le temps. Mais quand elle surprit le
regard craintif de Jondalar, une peur panique la submergea. La peur de le
perdre.
Elle ne put affronter son regard et baissa les yeux. Il n’y
avait pas de place pour le non-dit... ni pour le mensonge, entre eux. De toute
façon, elle ne savait pas mentir délibérément, mais ce que le Clan autorisait
de non-dit pour sauvegarder la vie privée de chacun n’était même plus possible
entre eux deux. Même si elle risquait de le perdre en lui disant la vérité,
elle se devait de le faire. Ensuite, elle s’efforcerait de comprendre ce qui le
tourmentait. Elle le regarda droit dans les yeux et chercha ses mots.
— Non, Jondalar, je ne connais pas tes pensées, mais je
peux parfois les deviner. Nous parlions justement des signes involontaires de
ceux qui parlent avec des mots. Toi aussi tu te dévoiles avec de telles
expressions, tu sais... je les observe, et bien souvent, je découvre leur sens.
C’est sans doute parce que je t’aime tant et que je veux te comprendre. Je fais
attention à toutes tes paroles et à tous tes gestes. C’est ce qu’on enseigne
aux femmes du Clan, ajouta-t-elle.
Elle lut un certain soulagement dans l’expression de Jondalar.
— Tu n’es pas en cause, reprit-elle. Je n’ai pas été élevée...
avec mon peuple, et j’ai appris à interpréter les expressions des autres. Ça m’a
aidée à comprendre ceux que j’ai
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