Le grand voyage
rencontrés par la suite. Au début, j’étais
déroutée parce que les gens qui s’expriment par des mots disent souvent une
chose, alors que leur expression dit le contraire. Lorsque j’ai saisi cela, j’ai
commencé à comprendre au-delà des mots. C’est pour ça que Crozie ne voulait
plus parier avec moi quand nous jouions aux devinettes avec les osselets. Je
découvrais toujours où était l’osselet, rien qu’à sa manière de fermer la main.
— Ah, c’était donc ça ! Je me demandais aussi...
Pourtant, on disait que c’était une fameuse joueuse.
— Mais elle l’était.
— Oui, mais je ne comprends toujours pas comment... comment
tu as su que je pensais à Zolena. Tu sais qu’elle est zelandoni ? Lorsque
je pense à elle, je me la figure en Zelandoni, pas avec le nom qu’elle portait
quand elle était jeune.
— Je t’observais et tes yeux m’assuraient que tu m’aimais,
que tu étais heureux avec moi et j’en étais contente. Mais quand tu m’as parlé
du désir d’apprendre certaines choses, tu t’es mis à regarder au loin, tu ne me
voyais plus. Tu m’avais déjà parlé de Zolena, cette femme qui t’a enseigné
tes... tes dons... comment contenter une femme. Et nous parlions justement de
ça, alors j’ai tout de suite fait le rapprochement.
— C’est extraordinaire ! Rappelle-moi de ne jamais
rien te cacher. Tu ne lis peut-être pas dans les pensées, mais tu n’en es pas
loin.
— Il y a autre chose que tu dois savoir.
— Quoi donc ? s’inquiéta-t-il.
— Il m’arrive de penser que j’ai... euh... un Don. J’ai
connu une étrange expérience au Rassemblement du Clan, quand j’étais avec le
clan de Brun et que Durc était encore bébé. J’ai fait quelque chose que je n’aurais
pas dû. Ce n’était pas intentionnel, mais j’ai bu le breuvage réservé aux
mog-ur et je les ai rejoints dans leur grotte, je ne sais comment. Ils
étaient... (Un frisson l’empêcha de continuer.) Je... je me suis perdue dans le
noir. Non, pas dans la grotte, dans le noir intérieur. J’ai cru que j’allais
mourir, mais Creb m’a sauvée. Ses pensées se sont glissées dans ma tête...
— Ses pensées se sont quoi ?
— Je ne sais pas comment l’expliquer. Ses pensées se sont
introduites dans ma tête, et depuis... depuis je... c’est comme si quelque chose
avait changé en moi. Parfois, je me dis que c’est comme un... un Don. Des
événements se produisent sans que je les comprenne. Je crois que Mamut savait,
lui.
— Alors, il a bien fait de t’adopter au Foyer du Mammouth,
et pas seulement pour tes talents de Femme Qui Soigne.
— Oui, peut-être.
— Tu savais ce que je pensais, là, juste à l’instant ?
— Non. Le Don ne fonctionne pas comme ça. C’est plutôt
comme accompagner Mamut dans sa Recherche. Ou encore, se plonger dans un monde
souterrain, un monde lointain.
— Tu veux dire le monde des esprits ?
— Je ne sais pas.
Jondalar parut perplexe. Il considéra ce qu’impliquaient les
aveux d’Ayla, et lui sourit d’un air triste.
— J’ai l’impression que la Mère se joue de moi,
ricana-t-il. La première femme que j’ai aimée a été appelée à Son Service, et j’ai
bien cru que je n’aimerais plus jamais. Et lorsque je rencontre une autre femme
dont je m’éprends, c’est pour découvrir qu’elle aussi est destinée à Servir la
Mère. Vais-je te perdre, Ayla ?
— Et pourquoi devrais-tu me perdre ? s’offusqua Ayla.
Je ne sais pas si je suis vouée à La Servir. Je n’ai certes pas envie de servir
quiconque. Tout ce que je désire, c’est rester avec toi, partager ton foyer, et
donner naissance à tes enfants.
— Mes enfants ? s’écria Jondalar, surpris par l’usage
du possessif. Comment aurais-je des enfants ? Les hommes n’ont pas d’enfants.
La Grande Mère accorde des enfants aux femmes. Elle se sert peut-être de l’esprit
de l’homme pour les créer, mais ils ne lui appartiennent pas. Il les nourrit,
mais ce sont les enfants de son foyer, ceux que sa compagne y a apportés.
Ayla lui avait déjà fait part de sa théorie qui voulait que l’homme
introduisît la vie dans le ventre de la femme. Mais il n’avait pas compris à l’époque
qu’elle était vraiment une fille légitime du Foyer du Mammouth. Qu’elle pouvait
visiter le monde des esprits. Et qu’elle était sans doute destinée à Servir
Doni. Et si elle disait vrai ?
— Appelle mes bébés les enfants de ton
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