Le grand voyage
ne
poussaient que sur des terrains secs, et de préférence montagneux. En palpant
les différentes bourses et petits paquets de plantes médicinales, elle s’aperçut
qu’il lui en restait assez en cas d’urgence, bien qu’elle eût préféré remplacer
celles de la dernière récolte par de plus fraîches. Heureusement, elle n’avait
pas eu à piocher dans sa réserve.
Ils venaient à peine de reprendre leur route en direction du
couchant qu’ils furent arrêtés par un assez large cours d’eau. Jondalar détacha
les paniers de charge accrochés aux flancs de Rapide, les entreposa dans le
canot, et se mit à étudier la rivière. Elle coulait dans le même sens que la
Grande Mère et s’y jetait en formant un angle aigu.
— Ayla, tu as vu comment cet affluent se jette dans la
Mère ? Il fonce droit au milieu et s’y mélange sans provoquer de remous.
Je suis sûr que c’est de là que vient le courant qui nous a emportés hier.
— Oui, je crois que tu as raison. Tu aimes comprendre le
pourquoi de choses, n’est-ce pas ? demanda-t-elle en souriant.
— Enfin, l’eau ne se met pas à couler rapidement sans
raison ! Il fallait bien trouver une explication.
— Et tu l’as trouvée.
Après qu’ils eurent traversé l’affluent, Ayla s’aperçut avec
grand plaisir que Jondalar était de bonne humeur. Et elle était soulagée que
Loup les suivît plutôt que de partir dans d’interminables explorations. Même
les chevaux semblaient contents. Le repos leur avait fait du bien. Ayla était
tonifiée et reposée, elle aussi, et, peut-être parce qu’elle venait de vérifier
ses réserves de plantes médicinales, elle était très attentive à la flore qu’ils
rencontraient, ainsi qu’à la faune. Les changements, aussi subtils fussent-ils,
ne lui échappaient pas.
Les oiseaux constituaient toujours la forme de vie sauvage
dominante, la famille du héron étant la mieux représentée. Mais les autres
espèces abondaient. D’immenses volées de pélicans et de cygnes muets
tournoyaient au-dessus de leur tête, ainsi que différentes sortes de rapaces,
tels les milans noirs, les pygargues, les bondrées et les faucons hobereaux.
Ayla vit bon nombre de petits oiseaux, sautillant, voletant, pépiant, fiers de
leurs habits de lumière : rossignols et fauvettes, fauvettes à tête noire,
gobe-mouches nains ou bruns, merles à tête d’or, etc.
Il y avait beaucoup de butors nains dans le delta, mais forts de
leur excellent camouflage, ils chantaient à tue-tête, incognito. Leur sorte de
grognements caverneux résonnaient du matin au soir, et s’intensifiaient à la tombée
du jour. Mais qu’on tentât de les approcher, ils tendaient le cou à la
verticale et se fondaient si bien dans les roseaux où ils nichaient qu’il eût
été impossible de les distinguer des longues tiges vertes. Pourtant, Ayla en
vit quelques-uns raser l’eau en quête de poissons. En vol, les butors nains
étaient aisément reconnaissables. Les petites plumes du devant de l’aile et à
la base de la queue étaient assez pales, et contrastaient avec les rémiges et
les pennes foncées de la queue.
Les marécages abritaient aussi un nombre surprenant d’animaux
adaptés aux divers paysages. Par exemple chevreuils et sangliers dans les
sous-bois, lièvres, hamsters et cerfs géants à la lisière des fourrés. Tout en
chevauchant, ils rencontraient des animaux qu’ils n’avaient pas vus depuis
longtemps, et se les montraient. Là, c’était un saïga qui dépassait en trombe
un troupeau d’aurochs. Ailleurs un chat sauvage moucheté traquant un oiseau
sous l’œil intéressé d’un léopard tapi dans un arbre. Un couple de renards avec
ses petits, une paire de blaireaux grassouillets, et là-bas, des putois à la
fourrure marbrée blanc, jaune et marron. Ils virent aussi des loutres dans un
cours d’eau, et des visons en compagnie de leurs proies favorites, les rats
musqués.
Et il y avait les insectes. De grandes libellules jaunes
sillonnant l’air, et de délicates demoiselles ornant les fleurs ternes des
plantains de leurs étincelantes couleurs bleues et vertes. Des essaims d’insectes
à la piqûre brûlante apparurent soudain. On aurait dit qu’ils avaient tous
éclos le même jour. L’humidité et la chaleur qui régnaient dans les ruisseaux d’eau
stagnante et les bassins fétides étaient fort propices à la couvaison des
myriades d’œufs minuscules. Les premiers nuages de petits moucherons
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