Le grand voyage
montaient vers les contreforts, les
broussailles se densifiaient, devenant plus hautes et plus feuillues, et elles
gagnèrent sur la plaine.
Jondalar regrettait le fleuve, lui aussi. Lorsqu’ils longeaient
ses eaux fertiles, les jours avaient succédé aux jours dans une monotonie
rassurante. Sa générosité et son abondance jamais démenties l’avaient bercé
dans une sorte d’euphorie, avaient émoussé sa vigilance et endormi l’anxiété
due à l’exigence de mener Ayla à bon port. Après qu’ils eurent tourné le dos à
la Mère des rivières si féconde, son inquiétude le reprit, et le paysage
changeant l’obligea à anticiper sur celui qui se profilait. Il se mit à
surveiller leurs provisions, craignant de manquer de nourriture. Il ne faisait
pas confiance au petit cours d’eau pour les fournir en poisson, et encore moins
aux forêts pour leur procurer du gibier.
Jondalar connaissait mal les forêts. Les animaux des plaines se
regroupaient en troupeaux visibles de loin, mais la faune des forêts était plus
solitaire, et se dissimulait facilement derrière les arbres ou les buissons.
Lors de son passage chez les Sharamudoï, il chassait toujours en compagnie d’un
guide.
Ceux du groupe shamudoï escaladaient les buttes rocheuses pour
chasser le chamois, et ils connaissaient les coutumes des ours, des sangliers,
des bisons des forêts, et autres proies insaisissables. Jondalar se souvint que
Thonolan avait développé un goût particulier pour la chasse en montagne. En
revanche, le groupe ramudoï préférait le fleuve et ses créatures, surtout l’esturgeon
géant. Contrairement à son frère, Jondalar s’était intéressé à la construction
des bateaux, et à l’art de la navigation. A l’occasion, il avait suivi les
chasseurs de chamois, mais il n’aimait pas l’altitude outre-mesure.
Repérant un petit troupeau de cerfs, Jondalar y vit l’opportunité
de constituer des réserves de viande en attendant de rejoindre les Sharamudoï,
et peut-être même d’en partager les surplus avec eux. L’idée enthousiasma Ayla.
Elle adorait chasser et, à part les perdrix et autres petits gibiers qu’elle
avait abattus avec sa fronde, les occasions n’avaient pas été si fréquentes ces
derniers temps. La Grande Rivière Mère avait pourvu généreusement à leurs
besoins.
Ils plantèrent leur campement au bord de la rivière,
déchargèrent leurs paniers et le travois et, armés de leur propulseur,
partirent à cheval sur la piste des cerfs. Loup ne tenait pas en place. A la
vue des propulseurs, il avait compris ce qui se préparait. Whinney et Rapide
étaient fringants, ne serait-ce qu’a cause de l’allégement de leur charge.
C’était un groupe de mâles, et leur ramure était recouverte d’un
velours épais. A l’automne, à la saison du rut, quand les andouillers auraient
atteint leur apogée, les vaisseaux sanguins se dessécheraient et la douce
pellicule pubescente pèlerait, aidée en cela par les cerfs qui fraieraient
leurs bois aux arbres et aux rochers.
Ayla et Jondalar s’arrêtèrent pour étudier la situation. Loup s’agitait,
couinant et faisant mine d’attaquer. De peur qu’il ne s’élançât et dispersât le
troupeau, Ayla lui ordonna de rester tranquille. Une pointe d’admiration brilla
dans les yeux de Jondalar en voyant le loup obéir. Il était soulagé qu’Ayla ait
réussi à le dresser. Il se concentra sur sa chasse, conscient que, juché sur le
dos de Rapide, il possédait une vision d’ensemble qu’il n’aurait jamais eue à
pied. Plusieurs cerfs broutaient, avertis de la présence des nouveaux
arrivants, mais rassurés par les chevaux. D’habitude, ils toléraient, ou
ignoraient ces cousins herbivores, si ceux-ci ne manifestaient pas de crainte.
Même les deux humains et le loup ne les inquiétaient pas assez pour les inciter
à fuir.
Jondalar fut tenté par un vieux cerf magnifique à la tête
couronnée, qui semblait le toiser avec défi. S’il avait chassé en groupe pour
nourrir une Caverne entière, et qu’il avait voulu faire une prouesse, il se
serait peut-être décidé pour le cerf majestueux. Mais Jondalar savait que
lorsque l’automne apporterait la saison des Plaisirs, nombreuses seraient les
femelles impatientes de rejoindre un troupeau conduit par un tel mâle. Jondalar
ne pouvait se résoudre à tuer un animal si fier et si magnifique alors qu’ils n’avaient
pas besoin de tant de viande. Il choisit donc un autre
Weitere Kostenlose Bücher