Le grand voyage
de
plantes florifères aux larges feuilles : asters, pas-d’âne, aunée jaune à
corolle multiple, grands entonnoirs blancs du datura, carottes sauvages,
raifort, moutarde, oignons nains, iris, lis et boutons d’or, groseilliers, fraisiers
et framboisiers.
Dans les régions semi-arides où les pluies sont rares, les
plantes basses, de moins de cinquante centimètres, fructifiaient. La partie
souterraine était plus importante, et elle développait de vigoureux rejetons en
période de sécheresse. Elles partageaient le sol avec d’autres plantes telles
que l’armoise ou la sauge.
Entre ces deux extrêmes, on trouvait les pâturages moyens, dans
des régions trop froides pour les plantes basses, ou trop sèches pour les
herbes hautes. Ces prairies tempérées étaient également très colorées, les
plantes florifères s’y mêlaient à l’avoine sauvage, l’orge, et, sur les pentes
des collines, aux bluestems. L’herbe aux tiges charnues poussait sur les sols
humides, alors que l’herbe aux tiges plus frêles se localisait dans les régions
plus froides, aux sols arides et pierreux. Les carex aussi foisonnaient – plante
vivace aux nombreux rejets et aux épillets doubles – ainsi que les
linaigrettes à feuilles larges, principalement dans la toundra et dans les sols
humides. Les marais abondaient, peuplés de hauts roseaux, de prêles et de
joncs.
Près de l’eau, la température fraîchissait, et plus l’après-midi
avançait, plus Ayla était en proie à deux envies contradictoires. Elle avait
hâte d’en terminer avec le mur d’herbes géantes, mais en pensant au repas du
soir, elle mourait d’envie de s’arrêter pour cueillir les légumes qu’elle
voyait en chemin. Elle chevauchait maintenant au rythme lancinant de : je
m’arrête, non, je continue. Je m’arrête, non, je continue...
Bientôt, le rythme prit le dessus sur le sens des mots, comme
une pulsation silencieuse et bruyante à la fois. Ayla fut prise d’appréhension.
Cette impression de coups sourds, à peine audibles, la troublait. Et les herbes
géantes qui l’entouraient et l’empêchaient de voir au-delà de quelques pas
ajoutaient à son malaise. Elle était habituée aux paysages dégagés, aux vastes
horizons, où la vue dépassait en tout cas l’écran de verdure immédiat. Plus ils
avançaient, plus la sensation s’amplifiait, comme si le battement se
rapprochait, ou comme s’ils touchaient à la source du bruit silencieux.
Ayla remarqua que le sol était fraîchement foule en divers
endroits, et elle plissa le nez pour humer une forte odeur musquée qu’elle
essaya de définir. Loup fit alors entendre un long grognement sourd.
— Jondalar ! s’écria Ayla.
Il s’était arrêté, et, le bras levé, lui faisait signe de l’imiter.
Il y avait bien quelque chose devant eux. Soudain, un cri strident déchira l’atmosphère.
3
— Ici, Loup ! ordonna Ayla à l’animal que la curiosité
poussait à continuer.
Elle se laissa glisser du dos de Whinney et marcha vers Jondalar
qui avait mis pied à terre, lui aussi, et progressait prudemment à travers l’herbe
épaisse en direction des cris perçants et des martèlements formidables. Elle le
rejoignit au moment où il s’arrêtait, et ils écartèrent les dernières tiges
hautes pour mieux voir. Ayla s’agenouilla pour retenir Loup, et resta fascinée
par le spectacle.
Un troupeau de mammouths laineux, agités, piétinait la clairière
qu’ils avaient déblayée en se nourrissant. Un mammouth adulte absorbait plus de
deux cent cinquante kilos de nourriture par jour, et un troupeau entier pouvait
raser une surface considérable de végétation en peu de temps. Il y avait là des
bêtes de tous âges et de toutes tailles, dont certaines n’avaient pas plus de
quelques semaines. C’était un troupeau de femelles, principalement de même
lignée : mères, filles, sœurs, tantes, et leur progéniture. Une large
famille, conduite par une vieille femelle prudente et sage, de loin la plus
imposante du troupeau.
A première vue, elles semblaient toutes être d’un même brun
roux, mais en y regardant de plus près, on remarquait des variantes. La toison
des unes tirait sur le roux, celle des autres sur le brun, ou sur le jaune, ou
le doré, et de loin, certaines femelles paraissaient presque noires. La double
épaisseur de laine qui les couvrait, depuis leur grosse trompe et leurs
oreilles singulièrement petites, jusqu’à leur queue
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