Le grand voyage
côte. Le mélange
déposait sur le cuir un lustre brillant relativement imperméable. Même humide
il offrait encore une certaine protection, mais la teinture graisseuse était
impuissante devant les averses diluviennes.
Le soir, tout était gorgé d’eau, même leurs fourrures de
couchage, et il était impossible d’allumer un feu. Ils rapportèrent sous la
tente des branches mortes de conifères, espérant qu’elles sécheraient pendant
la nuit. Au petit matin, le déluge continuait et leurs vêtements étaient
toujours trempés, mais grâce à un peu d’amadou et à sa pierre à feu, Ayla
parvint à allumer quelques branches, assez pour faire chauffer de l’eau. Ils
burent une infusion chaude et mangèrent les galettes que Roshario leur avait
données. C’était un aliment compact et nutritif dont on pouvait se nourrir
exclusivement, fait de viandes séchées et hachées, mélangées dans de la graisse
avec des fruits secs ou des baies, auxquels on ajoutait parfois des céréales
grillées ou des racines.
Les chevaux les attendaient dehors, impassibles, tête tombante,
leur longue fourrure hivernale dégoulinante. L’eau remplissait à moitié le
bateau qui s’était retourné. Ils étaient prêts à l’abandonner ainsi que les
longues perches. Le travois et le canot, tellement utiles, les avaient surtout
encombrés dans la traversée des forêts. En terrain accidenté, ils avaient
entravé leur marche, retardé leur avance, et étaient parfois dangereux dans les
descentes rendues glissantes par la pluie torrentielle. Si Jondalar n’avait pas
su que les plaines constitueraient l’essentiel du reste de leur Voyage, il les
aurait volontiers laissés.
Ils détachèrent les perches et retournèrent le canot afin d’en
ôter l’eau, ce qui les amena à envisager que le canot, qui leur avait permis de
flotter sur l’eau des rivières, puisse aussi bien les protéger de celle qui
tombait du ciel. Même si c’était impossible en marchant, ils pourraient s’y
réfugier lorsque l’averse redoublait.
Cette découverte ne résolvait pas le problème du transport.
Comme mus par une même idée, ils placèrent le canot sur le dos de Whinney. A
condition de trouver une façon de le faire tenir, il garderait ainsi leur tente
et leurs paniers au sec. A l’aide des perches et de cordages, ils imaginèrent
un moyen d’équilibrer la charge sur le dos de la docile jument. L’effet n’était
pas esthétique, et ils seraient sans doute amenés à en débarrasser Whinney pour
franchir certains obstacles, mais ce ne serait pas une difficulté pire qu’avant,
et le canot leur serait bientôt utile de toute façon.
Ils harnachèrent et chargèrent les chevaux. Ils installèrent la
tente et le tapis de sol sur le dos de Whinney et les recouvrirent du canot,
maintenu par les perches croisées. Ils jetèrent sur les paniers de Rapide une
lourde housse en peau de mammouth, qu’Ayla utilisait pour protéger le panier à
provisions.
Avant de partir, Ayla rassura et remercia longuement Whinney en
lui parlant la langue qu’elle avait inventée lorsqu’elles vivaient seules dans
la vallée. Ayla ne s’était jamais demandé si Whinney la comprenait, mais le
langage familier calmait la jument, et on ne pouvait nier qu’elle réagissait à
certains sons.
Même Rapide dressait les oreilles, s’ébrouait et hennissait
lorsqu’Ayla lui parlait, et Jondalar en avait conclu qu’elle communiquait avec
les chevaux dans un dialecte spécial qu’il ne comprenait pas, bien qu’il en
devinât une partie. Cela ajoutait au mystère qui le fascinait tant chez elle.
Ils descendirent la pente escarpée en guidant Whinney et Rapide
par le licol. Loup, qui avait passé la nuit sous la tente, fut bientôt aussi
ruisselant que les chevaux, si ce n’est plus. Sa fourrure, d’ordinaire épaisse
et bouffante, était plaquée sur sa peau, le faisant paraître plus petit et
dévoilant le dessin de ses côtes et de ses muscles. Les pelisses des voyageurs
étaient suffisamment chaudes, bien que l’eau dégoulinât bientôt de la fourrure
trempée des capuches dans leur cou. L’averse persistait avec le même
acharnement et Ayla décida qu’elle avait horreur de la pluie.
Les jours suivants, une pluie continuelle les accompagna dans
leur longue descente. Lorsqu’ils parvinrent sous les grands conifères, la voûte
de verdure les protégea quelque peu, mais ils quittèrent assez vite la forêt
pour s’engager sur une vaste
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