Le grand voyage
différent de
ce qu’ils connaissent.
— Je ne crois pas que Jeren soit homme à s’effrayer
facilement.
— Oui, je dois l’admettre... Ah, Jeren ! reprit
Jondalar en se tournant vers lui. J’aimerais tant comprendre ce que tu nous
dis !
Jeren les avait observés avec anxiété. Il lut sur leur visage qu’ils
avaient compris sa mise en garde, et il attendait leur réaction.
— Crois-tu qu’on devrait l’accompagner et parler à
Tamen ? demanda Ayla.
— Sans doute pas. Il faut arriver au glacier avant la fin
de l’hiver. Si nous continuons, nous y serons en avance. Mais si nous nous
attardons, nous risquons d’arriver pour le printemps et la fonte des glaces.
Traverser deviendra dangereux.
— Alors on continue vers le nord ?
— Oui, je crois que cela vaut mieux, mais nous devrons être
prudents. Si seulement je savais à quoi m’attendre ! Jeren, mon ami, je te
remercie pour ton conseil, dit Jondalar à l’adresse du chasseur. Nous
poursuivons notre route vers le nord, mais nous serons vigilants.
Il désigna le sud, secoua négativement la tête, puis montra le
nord. Jeren commença par protester énergiquement, mais finit par renoncer et
acquiesça avec tristesse. Il avait fait ce qu’il avait pu. Il parlementa avec l’autre
homme au chef orné d’une tête de cheval, et revint vers les deux voyageurs leur
expliquer qu’ils allaient les quitter.
Ayla et Jondalar regardèrent partir Jeren et les chasseurs en
leur adressant de grands signes d’adieu. Puis ils terminèrent leur rangement et
se mirent en route, non sans une certaine appréhension.
Chevauchant à travers l’extrémité nord de la vaste plaine
centrale, les voyageurs notaient les changements progressifs : le terrain
plat laissait place peu à peu aux collines moutonnantes. Les hauts plateaux
partiellement enfouis qui limitaient la plaine centrale correspondaient à l’aboutissement
de l’énorme bloc rocheux de la faille sédimentaire qui courait à travers la
plaine, du nord-est au sud-est, comme une colonne vertébrale déformée. Des
éruptions volcaniques relativement récentes avaient recouvert les hauts
plateaux de sols fertiles où poussaient des pins, des épicéas, et des mélèzes.
A leur pied croissaient des bouleaux et des saules et sur leurs flancs arides
et venteux, des buissons et des herbacées.
Comme ils commençaient à gravir les collines, ils durent
rebrousser chemin pour contourner de profondes crevasses et des anfractuosités
qui leur barraient le passage. Ayla trouvait la terre plus stérile et se
demandait si le changement de saison, avec son refroidissement brutal, n’en
était pas responsable. Quelques arbres à feuilles caduques et des arbustes se
dressaient, dénudés, mais la plaine centrale, recouverte du manteau d’or des
foins, nourrirait encore des multitudes d’animaux pendant tout l’hiver.
Ils virent une quantité de gros herbivores, solitaires ou en
troupeau, D’après Ayla, les chevaux étaient les plus nombreux, sans doute parce
qu’elle s’intéressait davantage à eux, mais plus ils se rapprochaient du nord,
plus les cerfs géants, les cerfs et les rennes abondaient. Les bisons,
rassemblés en gigantesques troupeaux migrateurs, se dirigeaient vers le sud.
Pendant une journée entière, le cortège des énormes bêtes bossues aux
impressionnantes cornes noires recouvrit les collines nordiques d’un tapis
ondulant. Émerveillés, Ayla et Jondalar s’arrêtèrent souvent pour les
contempler. Des nuages de poussière enveloppaient d’un voile épais la masse
mouvante, le martèlement des sabots faisait trembler le sol, et les meuglements
et mugissements résonnaient comme les grondements du tonnerre.
Les mammouths, qui migraient d’habitude vers le nord, étaient
rares, mais même de loin ils attiraient l’attention. Hors des périodes de rut,
quand l’impérieuse nécessité de la reproduction était endormie, les mammouths
mâles se regroupaient en petits troupeaux aux liens de parenté plutôt lâches.
Il arrivait parfois qu’un mâle décidât de se joindre à un troupeau de femelles
et les accompagnât un bout de chemin, mais tous les mammouths solitaires que
les deux voyageurs croisaient étaient des mâles. Les femelles constituaient des
troupeaux plus nombreux au sein desquels les liens de parenté étaient très
étroits : une grand-mère, vieille femelle rusée, commandait à une ou deux
sœurs et à la tribu de leurs filles et petites-filles. On
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