Le grand voyage
entendre de l’eau
souterraine ruisseler dans le lointain et ils décidèrent de faire demi-tour. La
torche n’éclairerait pas longtemps, et aucun d’eux ne souhaitait s’éloigner de
la lumière pâlissante de l’entrée. Ils revinrent sur leur pas en longeant les
murs et accueillirent avec soulagement le spectacle de l’herbe jaunie et de la
luminosité dorée filtrant des nuages au couchant.
Plus ils s’enfonçaient dans les hauts plateaux qui bordaient
la grande plaine centrale au nord, plus le paysage changeait. Grottes,
cavernes, avens, allant de la simple cuvette couverte d’herbe au précipice
vertigineux. Un paysage aussi particulier n’était pas fait pour rassurer nos
deux voyageurs. Alors que les cours d’eau et les lacs se faisaient rares, ils
entendaient parfois le clapotis sinistre et inquiétant de rivières souterraines.
Les créatures oubliées d’anciennes mers chaudes étaient la cause
de cette terre étrange aux obstacles imprévisibles. Au cours d’innombrables
millénaires, des quantités de coquillages et de squelettes s’étaient déposés
sur les fonds marins. Pendant les millénaires suivants, les sédiments de
calcium durci, soulevés par les pressions contraires des couches géologiques, s’étaient
transformés en carbonate de calcium pour donner des roches calcaires. Immenses
étendues sous-jacentes, les roches calcaires se dissolvent et forment alors des
grottes.
Le calcaire se dissout à peine dans l’eau pure, mais sera
attaqué par une eau ne contenant qu’une infime quantité d’acide. Pendant les
saisons chaudes et dans les climats humides, les nappes d’eaux souterraines chargées
de l’acide carbonique des plantes et de gaz carbonique dissolvaient de grandes
quantités de roches.
Les eaux souterraines, qui coulaient horizontalement et s’infiltraient
dans les minuscules interstices des joints verticaux des pierres calcaires, finissaient
par élargir et creuser les fissures. Charriant le calcaire dissous, elles
déchiquetaient les murs des galeries, sculptaient des réseaux de gouttières, et
trouvaient ensuite leur voie vers les eaux d’infiltration et les sources. Sous
l’effet de la force de gravitation, les eaux acides agrandissaient les flaches
souterraines jusqu’à former des cavernes qui devenaient ensuite des grottes.
Les canaux souterrains, percés de puits étroits, finissaient par se rejoindre
pour former un réseau d’irrigation extrêmement complexe.
L’érosion chimique avait des répercussions sur la surface des
sols, et le paysage, le karst [18] ,
présentait des particularités inhabituelles. En s’élargissant et à mesure que
leur plafond affleurait à la surface, les grottes s’effondraient, créant des
dolines aux murs abrupts. Quelques vestiges de plafond formaient des ponts
naturels. Les torrents et les rivières qui couraient tranquillement sur la
surface pouvaient disparaître brusquement dans des avens et poursuivre un
parcours souterrain, condamnant parfois à la sécheresse les vallées qu’ils
avaient autrefois irriguées.
Les voyageurs commencèrent à manquer d’eau. Les rivières
plongeaient dans les cavités de la roche ou dans des marmites de géants. Même
après de fortes pluies, l’eau disparaissait presque instantanément, et aucun
ruisseau, aucun torrent n’irriguait le sol. Au point que Jondalar fut obligé un
jour de descendre au fond d’un aven [19] puiser le précieux liquide. Une autre fois, un grand torrent apparut soudain,
courant sur une courte distance avant de disparaître tout aussi subitement.
La terre était aride et rocailleuse, et la roche affleurante. La
vie animale était réduite, elle aussi. A part quelques mouflons, avec leur
fourrure de laine drue encore plus épaisse en prévision de l’hiver et leurs
grosses cornes en volute, les voyageurs ne virent que de rares marmottes. Les
petites bêtes, vives et rusées, étaient passées maîtresses dans l’art d’échapper
aux prédateurs. Que des loups, des renards polaires, des faucons ou des aigles
royaux se montrassent et le cri haut perché d’une sentinelle faisait détaler
les petits rongeurs qui s’évanouissaient dans les cavités rocheuses.
Loup essaya sans succès de les poursuivre. Les chevaux aux
longues pattes n’étant pas perçus comme dangereux, seule Ayla réussit à en tuer
quelques-uns avec sa fronde. Les petits rongeurs poilus, engraissés pour l’hibernation,
avaient le goût du lapin, mais leur taille
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