Le grand voyage
m’appartenaient. Je ne savais pas que je
ne reviendrais jamais, sinon, je les aurais emportées.
— Regrettes-tu d’être partie, Ayla ? demanda Jondalar
dont l’inquiétude se lisait toujours à son front creusé de rides. Je serais
resté, et je serais devenu un Mamutoï moi aussi, si tu l’avais voulu. Je te l’avais
promis. Je sais que tu étais heureuse parmi eux. Il n’est pas trop tard, nous
pouvons encore faire demi-tour.
— Non, je suis triste, mais je ne regrette rien. C’est avec
toi que je veux vivre. Et toi, tu veux retourner chez les tiens, Jondalar, je l’ai
su tout de suite. Oh, bien sûr, tu te serais habitué à vivre chez les Mamutoï,
mais tu n’y aurais jamais été heureux. Ton peuple, ta famille, te manqueraient.
Pour moi, cela n’a pas la même importance. Jamais je ne connaîtrai ceux qui m’ont
donné le jour. Mon peuple, c’était le Clan.
Ayla resta songeuse et Jondalar surprit un sourire de douceur
sur ses lèvres.
— Iza aurait été tellement contente si elle avait su que je
partais avec toi. Elle t’aurait aimé, Jondalar. Tu sais, il y a très longtemps,
elle m’avait dit que je n’étais pas du Clan, et pourtant je n’avais pas d’autres
souvenirs que parmi eux. Pour moi, Iza était ma mère, mais elle voulait que je
quitte le Clan. Elle avait peur. Avant de mourir, elle m’a dit : « Va
retrouver ton peuple, cherche-toi un compagnon. » Elle pensait à un Autre,
un homme de mon peuple, quelqu’un qui ne serait pas du Clan. Un homme que je
pourrais aimer et qui prendrait soin de moi. Je suis restée seule longtemps
dans la vallée, et je désespérais de trouver quelqu’un. C’est alors que tu es
venu. Iza avait raison, il fallait que je retrouve mon peuple. Vois-tu, si Durc
n’existait pas, je remercierais presque Broud de m’avoir forcée à partir.
Jamais aucun homme ne m’aurait aimée si je n’avais pas quitté le Clan et jamais
je n’aurais rencontré un homme qui me soit si cher.
— Nous ne sommes pas si différents, Ayla. Moi non plus, je
ne pensais pas m’éprendre d’une femme un jour. J’en ai pourtant connu beaucoup
chez les Zelandonii, et pendant mon voyage. Thonolan se liait facilement avec
tout le monde et il me facilitait la tâche.
Il avait tressailli en prononçant le nom de son frère et ferma
les yeux pendant de longues minutes, le visage assombri. Ayla avait remarqué
que chaque fois qu’il parlait de son frère, la douleur se réveillait, toujours
aussi vive.
Elle contempla l’homme d’une taille exceptionnelle, aux longs
cheveux blonds noués sur la nuque par une lanière, et s’émerveilla encore de sa
magnifique stature. Après l’avoir vu à l’œuvre à la Réunion d’Été, elle doutait
qu’il eût besoin de son frère pour se faire des amis, surtout parmi les femmes.
Plus que sa carrure ou la finesse de ses traits, c’étaient ses yeux,
étonnamment vifs et expressifs, des yeux qui semblaient révéler l’âme profonde
de cet homme secret, qui lui donnaient cette présence imposante, ce magnétisme,
ce charme presque irrésistible.
Il la regardait, l’œil brûlant de désir. Ayla sentit son corps
répondre à la douce caresse de ses yeux. Elle songea à la femelle noisette qui
se refusait aux autres mâles dans l’attente du géant roux jusqu’à presque en
défaillir. Prolonger l’anticipation du plaisir, c’était aussi du plaisir.
Elle adorait le regarder, s’emplir de son image. Tout de suite,
elle l’avait trouvé beau, bien qu’elle n’ait eu personne à qui le comparer.
Depuis, elle avait découvert que les autres femmes aussi aimaient le regarder,
qu’elles étaient sensibles à son charme troublant. Elle avait aussi découvert
son embarras devant un tel succès. Sa beauté remarquable lui avait causé au
moins autant de peine que de plaisir. Être apprécié pour des qualités dont il n’était
pas responsable ne lui procurait aucune fierté. C’étaient des dons accordés par
la Mère, et non le fruit de ses efforts.
Mais la Grande Terre Mère ne s’en était pas tenue à l’apparence,
elle l’avait aussi doté d’une vive intelligence du monde physique, et d’une
grande dextérité. Conseillé par l’homme avec qui sa mère s’était unie, et que l’on
considérait comme le meilleur tailleur d’outils en pierre, Jondalar était
devenu expert dans ce domaine. Il avait encore perfectionné son art en étudiant
les techniques des tailleurs de silex rencontrés
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