Le grand voyage
chair de poule.
Avec force barrissements, toutes les femelles accoururent vers
la femelle noisette, chacune lui caressant de sa trompe la gueule et la vulve
humide, déféquant et urinant, en proie à une excitation intense. Le mammouth
roux se reposait, tête baissée, sans prêter attention à ce joyeux tohu-bohu.
Finalement, tout le monde se calma et se dispersa pour se nourrir. Seul le
petit resta près de sa mère qui barrit une dernière fois avant de frotter sa
tête contre l’épaule du mâle majestueux.
Aucun des autres mâles n’approcha le troupeau tant que le
mammouth roux resta, même si la femelle noisette n’avait rien perdu de son
attrait. Le rut, qui conférait un charme irrésistible aux mammouths mâles,
donnait à la femelle un pouvoir dominateur sur eux, et la rendait agressive
même envers plus fort qu’elle. A moins que ce fût un mâle en rut aussi. Ils n’osaient
approcher, sachant que le mâle roux serait prompt à se fâcher. Seul un mammouth
en rut et de taille identique l’affronterait. Et si dans le même périmètre, une
même femelle les attirait, ils se battraient jusqu’à ce que l’un des deux fût
sévèrement blessé, ou mort.
Comme s’ils en connaissaient les conséquences, les mâles s’évitaient
soigneusement et les combats étaient rares. Les appels aux notes graves et l’urine
âcre du mâle en rut n’annonçaient pas seulement sa présence aux femelles, mais
également aux autres mâles. Seuls trois ou quatre d’entre eux étaient en rut en
même temps, pendant la période de six à sept mois du cycle œstral des femelles,
mais ils ne se risqueraient pas à contester au mâle roux la possession de la
femelle noisette. En rut ou pas, c’était le mammouth dominant, et tous le
savaient.
Ayla, qui contemplait toujours la scène, remarqua que les deux
partenaires se nourrissaient côte à côte. Puis la femelle s’éloigna pour
arracher une touffe d’herbe particulièrement succulente. Un jeune mâle, à peine
pubère, tenta de l’approcher. Elle se réfugia auprès de son compagnon qui
envoya un jet d’urine vers le jeune intrépide, et poussa un barrissement
menaçant. L’odeur âcre et le profond rugissement eurent raison de l’audace du
jeunot. Il s’enfuit aussitôt, inclina la tête en signe de soumission, et garda
ses distances. Tant qu’elle resta près du mâle en rut, la femelle noisette put
se reposer et se nourrir sans crainte d’être importunée.
Ils savaient que l’accouplement était terminé, mais l’homme et
la femme ne se résolvaient pas à quitter les lieux. Pourtant Jondalar
ressentait à nouveau l’urgence du départ. Ils étaient émus et honorés d’avoir
pu assister à l’accouplement des mammouths. Mais plus qu’une faveur accordée, c’était
comme s’ils avaient fait partie d’une cérémonie de grande importance. Ayla
aurait voulu courir toucher les deux partenaires pour leur témoigner sa
reconnaissance et partager leur joie.
Avant de partir, Ayla remarqua qu’une quantité de plantes
comestibles qu’elle avait vues en chemin poussaient dans les parages, et elle
décida d’en collecter à l’aide de son bâton à fouir pour les racines, et d’un
couteau spécial assez épais mais solide, pour couper les tiges et les feuilles.
Jondalar s’agenouilla pour l’aider mais dut lui demander de spécifier ce qu’il
devait ramasser.
Cela étonnait toujours Ayla. Pendant leur séjour au Camp du
Lion, elle avait appris les coutumes des Mamutoï, différentes de celles du
Clan. Déjà, alors qu’elle travaillait souvent avec Deegie ou Nezzie, la volonté
de Jondalar de l’aider dans une tâche que les hommes du Clan réservaient aux
femmes l’avait surprise. Pourtant, depuis les premiers jours où Jondalar avait
vécu avec elle dans sa vallée, il n’avait jamais rechigné à faire les mêmes
travaux qu’elle, et il ne comprenait pas qu’elle s’étonnât de le voir partager
les tâches indispensables. A présent, seule avec lui, elle redécouvrait ce côté
de sa personnalité.
Ils partirent enfin, et chevauchèrent en silence. Ayla pensait
toujours aux mammouths, ainsi qu’aux Mamutoï qui l’avaient adoptée alors qu’elle
était la femme de Nulle Part. Ce Peuple s’était donné le nom de Chasseurs de
Mammouths, alors qu’il chassait aussi beaucoup d’autres espèces, et il
accordait à l’énorme animal une place d’honneur exclusive. Il ne leur procurait
pas seulement tout ce qui était
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