Le grand voyage
la viande, acquiesça
Ayla. Et si nous l’accrochions aux perches ? Nous le recouvririons avec le
canot pour le protéger de la pluie.
— Ah, ça c’est une trouvaille !... Oui, reprit-il
après réflexion, mais un lion des cavernes peut très bien renverser les
perches. Même une bande de hyènes déterminées, ou encore des loups. (Il promena
son regard autour de lui, l’air songeur, et remarqua un buisson de ronces aux
tiges dénudées et plantées d’aiguillons menaçants.) Regarde, Ayla. Nous
pourrions peut-être planter les trois perches au milieu de ces buissons et les
attacher à mi-hauteur pour poser dessus le paquet enroulé dans la tente et le
recouvrir du canot ?
Ayla sourit.
— Oui, en faisant attention, nous pourrions couper quelques
tiges pour entrer dans les ronces sans nous piquer, et ensuite refermer le
passage. Les petits animaux pourraient encore approcher la tente, mais il
dorment tous à cette saison ou ne quittent pas leurs terriers. Et les ronces
arrêteront les plus gros. Même les lions. C’est une idée merveilleuse,
Jondalar !
Le choix de ce qu’ils emporteraient demandait réflexion. Ils se
décidèrent pour quelques silex de rechange et les outils indispensables à la
taille, des cordages, et le plus de nourriture possible. En triant ses
affaires, Ayla tomba sur la ceinture spéciale et la dague en défense de
mammouth que Talut lui avait offerte à la cérémonie d’adoption, au Camp du
Lion. La ceinture était tressée de boucles pour y suspendre des objets,
notamment la dague, qu’on souhaitait avoir à portée de main.
Elle attacha la ceinture sur ses hanches par-dessus sa tunique
de fourrure, et soupesa la dague qu’elle hésitait à emporter. La pointe était
très effilée, mais c’était tout de même un objet plus rituel que pratique.
Mamut s’en était servi pour inciser le bras d’Ayla et marquer la plaque d’ivoire
qu’il portait autour du cou avec le sang qui avait coulé. La trace de sang
permettait de compter Ayla parmi les Mamutoï.
Ayla avait déjà vu utiliser une dague semblable pour les
tatouages. On gravait de fines lignes dans la peau. On déposait ensuite sur les
blessures le charbon noir d’un frêne calciné. Elle ignorait que les frênes
produisaient un antiseptique, et il était peu probable que Mamut, qui lui avait
enseigné cette technique, sût que ce bois possédait une telle vertu. Mais on
avait bien recommandé à Ayla de n’utiliser que du bois de frêne pour noircir
les cicatrices des tatouages.
Ayla rangea la dague dans son étui de cuir. Elle prit ensuite un
autre étui qui protégeait le silex extrêmement aiguisé d’un couteau à manche d’ivoire
que Jondalar lui avait fabriqué. Elle le passa dans une boucle de sa ceinture,
et enfila dans une autre boucle le manche de la hachette qu’il lui avait
offerte et dont la tête en pierre était enveloppée dans un morceau de cuir qui
protégeait son tranchant.
Elle y accrocha aussi son propulseur, passa sa fronde sous la
lanière, et y noua la bourse où elle rangeait ses pierres de jet. Le poids l’encombrait,
mais c’était malgré tout une manière pratique de porter les objets quand on
voulait se charger le moins possible. Elle ajouta ses sagaies à celles que
Jondalar avait déjà rangées dans le panier dorsal.
Le tri des affaires à emporter et le camouflage de la tente leur
avaient fait perdre beaucoup de temps et le soleil était haut dans le ciel
lorsqu’ils enfourchèrent enfin Rapide et s’éloignèrent.
Au début, Loup courait à leur hauteur, mais retardé par sa
blessure, il fut vite distancé. Malgré son inquiétude, et bien qu’elle ne sût
pas s’il pouvait marcher longtemps, ni à quelle vitesse, Ayla décida de le
laisser suivre à son rythme en espérant qu’il les rejoindrait quand ils s’arrêteraient.
Elle était déchirée par ses préoccupations pour ses deux compagnons. Mais Loup
n’était pas loin, et elle était confiante en sa guérison rapide. En revanche,
elle ignorait où se trouvait Whinney, et plus ils tardaient, plus les chances
de la retrouver diminuaient.
La piste les entraîna d’abord vers le nord-est, mais les
traces bifurquèrent bientôt inexplicablement. Ayla et Jondalar dépassèrent ce
point sans le voir et crurent qu’ils avaient perdu la piste. Ils revinrent en
arrière, mais ne la retrouvèrent qu’en fin d’après-midi, et arrivèrent près d’une
rivière à la tombée de la nuit.
De toute évidence,
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