Le grand voyage
boire un peu d’eau.
On a pourtant dû m’entendre. J’ai faim, mais j’ai surtout très soif. Sa bouche
devenait de plus en plus sèche, et sa soif grandissait.
— Hé, là-dedans ! J’ai soif ! Y a-t-il quelqu’un
pour m’apporter à boire ? cria-t-il. Qu’est-ce que c’est que ces
manières ? Qui êtes-vous donc pour attacher un homme et lui refuser à
boire ?
Aucune réponse. Après d’autres essais infructueux, il décida d’économiser
son souffle. Il se desséchait la bouche inutilement, et sa tête lui cognait. Il
pensa à s’allonger, mais après les efforts qu’il avait fournis pour s’asseoir,
il y renonça.
Comme le temps passait, il devenait morose. Il était faible, au
bord du délire, et des images frappantes de réalisme défilaient dans sa tête
meurtrie. Il se persuadait qu’Ayla était morte, et les deux chevaux aussi.
Quant à Loup, il le voyait errant, affreusement blessé, incapable de chasser,
cherchant désespérément Ayla, à la merci d’une bande de loups ou de hyènes...
ce qui valait peut-être mieux que de crever de faim. Il se demandait si on
allait le laisser mourir de soif, il le souhaitait même, puisque Ayla était
partie. S’identifiant à la situation misérable de Loup, il songea qu’ils
étaient les deux seuls survivants d’une bande de voyageurs hors du commun, sur
le point de disparaître à leur tour. Un bruit de pas le tira du désespoir. Le
rabat de l’entrée s’ouvrit, et une silhouette se découpa dans la lumière d’une
torche. Campée sur ses jambes écartées, mains sur les hanches, elle aboya un
ordre. Deux femmes s’avancèrent alors dans la petite pièce, le soulevèrent et
le traînèrent à genoux aux pieds de l’apparition. Le sang battait dans sa
tempe, avivant la douleur, et il s’appuya en chancelant contre l’une des deux
femmes. Elle le rejeta brutalement.
Celle qui avait lancé l’ordre abaissa son regard sur lui, et
éclata d’un rire mauvais. On aurait dit le ricanement discordant d’une démente.
Jondalar ne put s’empêcher de sursauter, parcouru d’un frisson de peur. La
femme lui cracha quelques mots à la face. Jondalar titubait, sa vue s’embrouilla.
La femme aboya d’autres ordres, tourna les talons et sortit. Les deux femmes
qui le maintenaient le lâchèrent pour la suivre. D’autres les accompagnaient.
Jondalar s’écroula, au bord de l’évanouissement.
On coupait les liens qui lui serraient les chevilles, et quelqu’un
versait de l’eau dans sa bouche. Il faillit s’étrangler, mais s’efforça de
boire quelques gouttes. La femme qui tenait l’outre proféra des paroles de
dégoût et jeta la poche d’eau à un vieil homme. Celui-ci s’avança et leva l’outre
au-dessus de Jondalar. Sans douceur, mais avec plus de patience, il fit couler
le précieux liquide de sorte que Jondalar pût enfin étancher sa soif brûlante.
Mais avant qu’il fût rassasié, la femme éructa un son bref et l’homme
emporta l’outre d’eau. Elle tira ensuite Jondalar, le fit lever, et le poussa
dehors. Toujours étourdi, il avança en chancelant, et la femme le poussa parmi
un groupe d’hommes. Il faisait froid mais personne ne daigna lui rendre sa
pelisse, ni lui délier les poignets pour lui permettre de se réchauffer en se
frottant les mains.
L’air glacial le réveilla, et il remarqua que d’autres hommes
portaient comme lui les mains attachées derrière le dos. Il examina plus
attentivement le groupe auquel on l’avait mêlé. Il se composait d’hommes de
tous âges, du plus jeune – des enfants, même – au plus vieux,
tous étaient maigres, hirsutes, faibles et sales, vêtus d’habits disparates.
Certains avaient des plaies couvertes de sang coagulé et de poussière.
Jondalar tenta d’engager la conversation en mamutoï avec son
voisin, mais l’homme ne semblait pas comprendre. Jondalar essaya le sharamudoï,
mais l’homme détourna la tête lorsqu’une femme menaça Jondalar d’une sagaie en
hurlant un ordre qu’il ne saisit pas. Mais le geste était éloquent et Jondalar
commençait à se demander si l’homme avait eu peur de lui parler, ou s’il n’avait
réellement pas compris son langage.
Plusieurs femmes armées de sagaies entourèrent le groupe d’hommes.
L’une d’elles aboya un ordre et la petite troupe s’ébranla. Jondalar en profita
pour examiner les lieux. Le camp, composé de plusieurs habitations circulaires
et semi-souterraines, lui parut familier bien
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