Le grand voyage
qu’il ne reconnût pas le paysage.
Ces abris ressemblaient en fait à ceux des Mamutoï. La construction était
analogue : charpente en os de mammouth, recouverte de chaume, de mottes de
gazon, et enduite d’argile.
Ils gravirent ensuite une colline d’où la vue était plus
étendue. C’était une région de toundra – steppes dépourvues d’arbres,
dont le sol reste gelé en profondeur une partie de l’année et se transforme en
boue noire en été. Seules des herbacées naines y poussaient. Au printemps elles
coloraient les plaines de leurs floraisons éclatantes et nourrissaient des
cohortes de bœufs musqués, de rennes, ou autres animaux capables de les
digérer. Par plaques, on voyait aussi des forêts de petits conifères de hauteur
si uniforme qu’on les aurait cru taillés par quelque couteau gigantesque, ce
qui était d’ailleurs le cas. Le vent glacial, charriant de la neige fondue ou
des particules de lœss caillouteux, rasait impitoyablement tout rameau qui
osait dépasser ses semblables.
Ils poursuivaient leur pénible ascension. Jondalar aperçut au
nord un troupeau de mammouths qui paissait, et plus près, une bande de rennes.
Il savait que les chevaux vivaient dans la région, et il se doutait que les
bisons et les ours s’y aventuraient à la saison chaude. Ce pays était plus
proche du sien que les gras pâturages des steppes, bien que la végétation
dominante fût différente, de même que le mélange de bêtes.
Jondalar surprit un mouvement sur sa gauche. Un lièvre blanc s’enfuyait
devant un renard polaire. Le gros lièvre changea brusquement de direction,
passa devant le crâne en décomposition d’un rhinocéros laineux, et se faufila
dans une orbite vide.
Là où l’on trouvait des rhinocéros et des mammouths, on trouvait
aussi des lions des cavernes, et en considérant la profusion d’herbivores,
probablement des hyènes et certainement des loups. Jondalar s’étonnait de l’abondance
de viande, d’animaux à fourrure et de plantes. Voilà une terre riche,
songea-t-il. Évaluer les ressources d’une contrée était pour lui une seconde
nature, comme pour la plupart des humains. Ils vivaient de la terre et ce genre
d’observation était indispensable à leur survie.
Le groupe atteignit une terrasse à flanc de colline, et s’arrêta.
Jondalar constata que les chasseurs qui habitaient cette région possédaient un
avantage incomparable. Non seulement ils pouvaient voir les animaux venir de
loin, mais les troupeaux qui parcouraient la région étaient obligés de passer
par un étroit défilé entre une paroi calcaire et la rivière. Quelles proies
faciles ! Jondalar n’en était que plus surpris par la chasse aux chevaux
près de la Grande Mère Rivière.
Des cris de douleur le tirèrent de sa contemplation. Une femme
aux longs cheveux gris ébouriffés, soutenue par deux femmes plus jeunes,
gémissait et pleurait. Elle se libéra soudain, tomba à genoux et s’allongea sur
une forme étendue au sol. Jondalar s’avança pour mieux voir. Dépassant d’une
bonne tête ses compagnons, il découvrit aisément la cause de cette douleur.
C’était un enterrement. Trois corps étaient étendus sur le sol.
Deux d’entre eux étaient manifestement des hommes, identifiables à leur barbe.
Le plus grand, les joues couvertes d’un duvet épars, semblait le plus jeune. La
femme aux cheveux gris pleurait sur le corps de l’autre homme, dont la courte
barbe châtain était plus fournie. Le troisième corps était assez grand et
mince, et la façon dont il était étendu suggérait une certaine difformité.
Jondalar ne lui vit pas de poils sur la figure et il pensa d’abord à une femme.
A moins que ce ne fût un jeune homme qui se rasait la barbe. Tous trois n’avaient
pas vingt ans.
Les vêtements ne fournissaient pas beaucoup d’indications. Les
trois corps étaient vêtus de jambières et de larges tuniques qui ne laissaient
rien deviner. Les habits semblaient neufs, mais dépourvus de décorations. Comme
si on s’était efforcé de les rendre anonymes pour l’autre monde.
Les deux femmes qui l’avaient soutenue relevèrent la femme aux
cheveux gris, et la traînèrent presque – mais sans brutalité – loin
du corps du jeune homme. Une autre femme s’avança. Son visage était
curieusement asymétrique et déformé, un côté plus petit que l’autre et
légèrement en retrait, mais elle ne faisait aucun effort pour le cacher. Ses
cheveux clairs,
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