Le grand voyage
quelque chose n’allait pas. Pour commencer, une douleur
lancinante lui martelait le crâne. Il risqua un œil. L’endroit baignait dans
une lumière blafarde qui lui permit à peine de voir sur quoi il gisait. Lorsqu’il
voulut porter la main à son visage, où une sorte de croûte le gênait, il s’aperçut
que ses mains étaient liées derrière son dos. Ses pieds étaient également
entravés.
Il roula sur le côté et scruta la pénombre. Il se trouvait dans
une pièce ronde construite sur une armature en bois recouverte de peaux. L’absence
de vent et de courant d’air, qui auraient dû gonfler les peaux, lui donnait à
penser que la petite pièce faisait partie d’un ensemble plus vaste. D’ailleurs,
bien qu’il fît froid, il ne gelait pas. Il se rendit alors compte qu’il ne
portait plus sa pelisse.
Comme il se tortillait pour s’asseoir, la tête lui tourna. La
douleur lancinante se localisa près de sa tempe gauche, là où il avait senti la
sorte de croûte. Il abandonna ses efforts en entendant des voix approcher. Deux
femmes parlaient dans une langue qu’il ne connaissait pas, bien que certains
sons lui eussent vaguement rappelé le mamutoï.
— Hé, vous là-bas ! Je suis réveillé, cria-t-il dans
la langue des Chasseurs de Mammouths. Allez-vous me détacher ? Ces liens
sont inutiles, il y a eu méprise. Je ne voulais blesser personne.
Les voix cessèrent un instant avant de reprendre leur
conversation, mais personne ne lui répondit.
Étendu, le visage dans la poussière, Jondalar essayait de se
rappeler comment il avait échoué ici, et ce qu’il avait bien pu faire pour
mériter un tel traitement. D’après son expérience, les seules personnes qu’on
attachait étaient celles qui s’étaient mal conduites et en avaient menacé d’autres.
L’image d’un mur de feu lui revint, avec des chevaux galopant aveuglément vers
le précipice qui bordait un champ. Il avait certainement été capturé au cours d’une
chasse.
Il se souvint ensuite d’Ayla qui montait Rapide au milieu des
chevaux sans parvenir à le contrôler. Il ne comprenait pas comment l’étalon s’était
retrouvé au milieu de la bande de chevaux, alors qu’il l’avait attaché à un
buisson.
Il avait eu très peur que Rapide, obéissant à son instinct, ne
suivit les autres par-dessus bord, entraînant Ayla dans le précipice. Il se
revoyait encore, son propulseur à la main, courant vers eux. Malgré toute son
affection pour le bel étalon, il n’aurait pas hésité à le tuer pour l’empêcher
de sauter. Ensuite, il ne se souvenait plus de rien, si ce n’est d’une vive
douleur suivie d’un grand trou noir.
On a dû me frapper, se dit-il. Et il fallait que ce fût un coup
violent parce que je ne me rappelle pas qu’on m’ait amené ici. Et ma tête me
fait toujours mal. Ils ont certainement cru que j’avais gâché leur chasse. C’était
dans des circonstances analogues qu’il avait rencontré Jeren. Thonolan et lui
avaient malencontreusement fait fuir une bande de chevaux que les chasseurs
poussaient dans un piège. Mais sa colère passée, Jeren avait compris que c’était
involontaire, et ils étaient devenus amis. Aurais-je gâché leur chasse ? s’inquiéta-t-il.
Il tenta encore de s’asseoir. Il replia les genoux en s’arc-boutant,
roula sur lui-même en s’efforçant de se redresser dans la position assise.
Après plusieurs tentatives, et malgré la violente douleur qui lui battait la
tempe, il finit par réussir. Il ferma les yeux, espérant que la douleur S’atténuerait,
mais quand elle se fit moins vive, son inquiétude pour Ayla et les chevaux s’accrut
d’autant. Whinney et Rapide étaient-ils tombés dans le précipice ? Rapide
avait-il entraîné Ayla dans sa chute ?
Était-elle morte ? Son cœur se serra soudain. Ayla et les
chevaux étaient-ils partis dans l’autre monde ? Et Loup, qu’était-il
devenu ? Quand l’animal rejoindrait enfin le pré, il ne trouverait plus
personne. Jondalar l’imaginait reniflant partout, suivant une piste, puis une
autre. Que deviendrait-il ? Loup était un bon chasseur, mais il était
blessé. Pourrait-il chasser avec sa blessure ? Il n’avait pas l’habitude
de vivre seul, Ayla et sa « bande » lui manqueraient. Comment
parviendrait-il à se débrouiller ? Et que se passerait-il s’il tombait sur
une bande de loups sauvages ? Serait-il capable de se défendre ?
Quelqu’un va-t-il enfin venir ? J’aimerais
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