Le grand voyage
la Femme Qui Ordonne, l’accablant de tous les
torts en se déchargeant de toute responsabilité. Ayla alors s’emporta et donna
libre cours à la colère qu’elle avait accumulée pendant cette journée
éprouvante.
— Attaroa était autoritaire et implacable, mais aussi forte
fût-elle, elle n’aurait pu lutter seule contre deux, cinq ou dix adversaires.
Si vous aviez réellement voulu l’en empêcher, elle n’aurait jamais osé aller si
loin. Vous êtes tous, hommes et femmes, responsables des souffrances de ces
enfants. Et voilà ce que j’ai à vous dire : tous ces jeunes, ou même ces
hommes, qui ont souffert si longtemps de... de cette abomination,
dénonça-t-elle en essayant de se contenir, tous doivent être pris en charge par
le Camp tout entier. Vous serez responsables d’eux pour le restant de leurs
jours. Ils ont souffert, et par leurs souffrances, ils sont devenus les élus de
Muna. Quiconque leur refusera son aide devra en répondre devant Elle.
Sur ce, elle tourna les talons et s’en fut, suivie par Jondalar.
Mais ses menaces portèrent plus qu’elle ne l’avait imaginé. Beaucoup pensaient
qu’elle n’était pas une Voyageuse ordinaire, et certains voyaient en elle une
incarnation de la Grande Mère Elle-même ; une munaï vivante ayant pris
forme humaine, venue chercher Attaroa et libérer les hommes. Sinon, comment
expliquer que les chevaux accourent à son signal ? Ou qu’un loup, énorme
pour sa race, la suive partout et s’asseye à sa demande ? N’était-ce pas
la Grande Terre Mère qui avait créé les incarnations des esprits des
animaux ?
D’après les légendes, la Mère avait créé l’homme et la femme
dans un but précis, et Elle leur avait offert le Don des Plaisirs pour qu’ils L’honorassent.
Les esprits des hommes comme ceux des femmes étaient indispensables pour
fabriquer une nouvelle vie, et Muna venait de leur faire comprendre qu’Elle considérait
comme un monstre quiconque tenterait de créer Ses enfants d’une autre manière.
N’avait-Elle pas pris soin de se faire accompagner par le Zelandonii pour
montrer Sa voie ? Un homme qui était l’incarnation de Son amant et
compagnon ? Plus beau et plus grand que n’importe quel homme, avec des
cheveux couleur de lune ! Jondalar remarqua que le comportement du Camp à
son égard changeait et que cela lui pesait. A vrai dire, il n’aimait pas cela.
Trop occupée, Ayla avait dû remettre à plus tard la manipulation
qu’elle voulait tenter sur les infirmes. De son côté, S’Armuna avait reporté l’enterrement
d’Attaroa. Le lendemain matin, on choisit un emplacement et la tombe fut
creusée. Une cérémonie simple, conduite par Celle Qui Sert la Mère, permit à la
défunte Femme Qui Ordonne de rejoindre le sein de la Grande Terre Mère.
Certains éprouvèrent du chagrin. Epadoa, par exemple, qui ne s’y
attendait pourtant pas. Consciente du sentiment de la majorité, elle essayait
de le cacher, mais Ayla le devinait à son maintien et à son expression. Le
comportement de Doban était étrange, et Ayla comprit qu’il luttait contre des
émotions contradictoires. Attaroa avait été la seule mère qu’il eût connue. Il
s’était senti trahi quand elle s’en était prise à lui, mais elle avait toujours
été capricieuse, et il ressentait encore une certaine affection pour cette mère
terrible.
Il fallait que le chagrin s’exprime. Ayla le savait, qui avait
eu l’expérience de nombreux deuils. Elle avait projeté de soigner l’enfant
après l’enterrement, mais elle reconsidéra la question. Le jour n’était-il pas
mal choisi ? D’un autre côté, il était peut-être bon qu’il pût se
concentrer sur autre chose. De retour au Camp, elle en informa Epadoa.
— Je vais essayer de remettre la jambe de Doban, et j’aurai
besoin d’aide, commença-t-elle.
— Est-ce qu’il va souffrir ? s’inquiéta Epadoa.
Elle se souvenait des cris du garçon quand elle lui avait
disloqué la hanche, et sa nouvelle fonction exigeait qu’elle le protégeât.
Certes, Doban n’était pas son fils, mais elle prenait son rôle très à cœur.
Elle savait que sa propre vie en dépendait.
— Rassure-toi, je l’endormirai avant, expliqua Ayla. Il ne
sentira rien, mais il aura un peu mal au réveil. Pendant quelque temps, il
devra éviter les efforts et s’abstenir de marcher.
— Eh bien, je le porterai, déclara Epadoa.
De retour auprès de l’enfant, Ayla lui expliqua
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