Le grand voyage
qu’elle allait
guérir sa jambe. Effrayé, il se recula, et sa peur tourna à la panique lorsqu’il
vit paraître Epadoa.
— Non, pas elle ! hurla-t-il. Elle va me faire
mal !
S’il avait pu s’enfuir, il n’aurait pas hésité. Debout à côté du
lit de Doban, Epadoa se raidit.
— Je te promets que je ne te ferai aucun mal,
affirma-t-elle. Plus jamais. Et je ne laisserai personne te faire du mal. Pas
même cette femme-là.
Le garçon lui jeta un coup d’œil inquiet, mais préféra la
croire. Il voulait désespérément la croire.
— S’Armuna, assure-toi qu’il comprenne bien ce que je vais
lui dire, fit Ayla qui se pencha et plongea son regard dans celui, terrorisé,
de Doban.
— Doban, je vais te donner une coupe à boire. Ce sera un
peu amer, mais je veux que tu la boives jusqu’au bout. Tu auras vite sommeil.
Alors, tu t’allongeras ici. Dès que tu dormiras, je redresserai ta jambe comme
elle était avant. Comme tu seras endormi, tu ne sentiras rien. En te
réveillant, tu auras un peu mal, mais tu te sentiras peut-être aussi un peu
mieux. Si tu as trop mal, dis-le à S’Armuna, ou à Epadoa – il y aura
toujours quelqu’un près de toi – et on te fera boire une potion qui
apaisera la douleur. Tu as bien compris ?
— Est-ce que Zelandon peut venir ?
— Oui, je vais le chercher.
— Et S’Amodun aussi ?
— Oui, tous les deux, si tu veux.
— Et tu ne la laisseras pas me faire du mal ? demanda
Doban en désignant Epadoa.
— Non, c’est promis. Je ne laisserai personne te faire du
mal. Doban regarda tour à tour S’Armuna et Ayla.
— Donne-moi la coupe, dit-il alors.
Remettre l’articulation de Doban n’était pas sans rappeler la
réduction de la fracture de Roshario. Le breuvage avait endormi le jeune garçon
et détendu ses muscles. Ce ne fut qu’une simple question de force physique. Ils
perçurent tous le moment où la tête du fémur glissa dans la cavité de la
hanche. Ayla constata des ruptures de ligaments, et pensa que Doban boiterait
encore, mais il pourrait marcher. Comme la plupart des hommes et des enfants
étaient retournés vivre avec leur compagne et leur mère, Epadoa s’installa dans
la grande habitation et resta auprès de Doban. Ayla remarqua leurs tentatives d’approche
réciproques et comprit que c’était le but qu’avait recherché S’Amodun.
Elle s’occupa ensuite d’Odevan, mais craignait que sa guérison
fût plus difficile et que sa hanche se disloquât à nouveau un jour ou l’autre.
S’Armuna était très impressionnée par Ayla. Elle éprouvait pour elle une sorte
de crainte révérencieuse, et se demandait si les rumeurs n’avaient pas quelque
fondement. Ayla ressemblait à toutes les femmes, parlait, mangeait, partageait
les Plaisirs avec le géant blond, comme toutes les femmes, et pourtant sa
connaissance des plantes, et de leurs propriétés curatives en particulier,
était phénoménale. Tout le monde en parlait. S’Armuna bénéficia d’un peu de son
prestige en retour. La vieille femme avait appris à surmonter sa peur de Loup,
mais on ne pouvait pas le voir suivre Ayla partout sans croire qu’elle
contrôlait son esprit. Et lorsqu’il ne la suivait pas, il ne la quittait pas
des yeux.
S’Armuna se souciait moins des chevaux, ils restaient à l’écart,
et broutaient assez loin la plupart du temps. Et la vieille femme voyait bien
que les deux étrangers les chevauchaient de temps en temps. Le géant montait l’étalon
avec aisance, mais à voir la jeune femme sur le dos de la jument, on ne pouvait
s’empêcher de penser qu’elles étaient faites d’une même chair.
Tout de même, Celle Qui Sert la Mère restait sceptique. Initiée
elle-même, elle savait qu’on encourageait ce genre de croyance. Elle avait
appris les moyens d’induire les gens en erreur et de leur faire croire ce qu’on
voulait qu’ils crussent, et elle s’en était souvent servie. Elle n’avait pas
conscience de tricher – personne n’était aussi convaincu du
bien-fondé de ses intentions – mais elle utilisait les moyens à sa
portée pour adoucir la voie qui menait les hommes à suivre les préceptes qu’elle
jugeait profitables à tous. On pouvait souvent aider les gens en les trompant,
surtout ceux dont la maladie ne semblait avoir d’autre cause qu’un mauvais sort
jeté par un ennemi puissant.
Pourtant, S’Armuna ne décourageait pas les rumeurs. Ceux du Camp
voulaient croire que les paroles
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