Le grand voyage
c’est bien ce qu’il veut dire, expliqua S’Amodun qui
assistait à la scène en souriant. Il t’appelle Elandon, mais il y ajoute le
titre de respect : S’Elandon.
Bien qu’un peu gêné, Jondalar rosit de plaisir.
— Je te remercie, Doban. Permets-moi donc de t’appeler S’Ardoban.
— Oh, non ! C’est trop tôt. Quand je saurai travailler
le silex aussi bien que toi, tu pourras m’appeler S’Ardoban. Pas avant.
Jondalar étreignit le jeune garçon, donna quelques accolades aux
S’Armunaï qui s’étaient réunis, et discuta encore un moment avec eux. Les
chevaux étaient chargés, et patientaient à quelques pas de là. Loup s’était
allongé, et observait Jondalar. Il se releva en apercevant Ayla qui sortait de
l’habitation avec S’Armuna. Jondalar se réjouit de les voir enfin arriver.
— ... c’est beau, disait la vieille femme, et cette preuve
d’amitié m’émeut énormément, mais... tu ne crois pas que ce soit
dangereux ?
— Tant que tu la gardes précieusement, comment une simple
figurine serait-elle dangereuse ? Elle te rapprochera de la Mère, assura
Ayla, et te permettra de mieux La comprendre.
Elles s’étreignirent avec chaleur, et S’Armuna serra fort Jondalar
dans ses bras. Elle se recula quand ils appelèrent les chevaux, puis s’avança
de nouveau et retint la main du géant.
— Quand tu verras Marthona, dis-lui que S’Armu... non,
dis-lui que Bodoa lui envoie toute son amitié.
— Je n’y manquerai pas. Je suis sûr que ça lui fera
plaisir, dit Jondalar en enfourchant l’étalon.
Ils se retournèrent et saluèrent une dernière fois. Jondalar
était soulagé de partir. Il garderait toujours de ce Camp des souvenirs
mitigés.
Comme ils s’éloignaient du Camp des Trois Sœurs, la neige se
remit à tomber. Ceux du Camp leur faisaient de grands signes d’adieu.
— Bon Voyage, S’Elandon ! criait Doban.
— Que la paix t’accompagne, Ayla ! disait un autre.
En les regardant s’enfoncer dans le brouillard de flocons, rares
étaient ceux qui ne croyaient pas – ou ne voulaient pas croire – que
Jondalar et Ayla leur avaient été envoyés pour les débarrasser d’Attaroa et
pour libérer les hommes. Ils ne doutaient pas que dès que le couple de
cavaliers aurait disparu, ils reprendraient la forme de la Grande Terre Mère et
de Son Compagnon Céleste, et qu’ils rejoindraient les cieux en chevauchant le
vent, suivis par leur fidèle protecteur, l’Etoile du Loup.
34
Ayla ouvrant la marche, ils repartirent vers la Grande Rivière
Mère en suivant le chemin qu’elle avait emprunté lorsqu’elle traquait les
Louves. Ils franchirent le petit affluent et bifurquèrent ensuite vers le
sud-ouest à travers les plaines venteuses de l’ancien bassin qui séparait les
deux principales chaînes de montagnes.
Bien qu’il neigeât peu, d’incessantes rafales de vent les
obligeaient souvent à s’abriter. Dans ce froid intense, les flocons
tournoyaient au gré du vent et se transformaient en gravillons gelés en se
mêlant aux particules de lœss broyées par les glaciers en marche. Les bourrasques
cinglaient leurs joues nues. L’herbe jaunie s’était aplatie depuis longtemps,
mais grâce au vent qui empêchait la neige de s’accumuler, sauf dans quelques
poches abritées, il en restait assez pour que les chevaux pussent brouter.
Le chemin parut court à Ayla, débarrassée du souci de suivre une
piste en terrain difficile, mais Jondalar était surpris par la distance qui les
séparait de la rivière. Il ne s’était pas rendu compte qu’ils étaient si haut
vers le nord. Il en déduisit que le Camp des S’Armunaï était sûrement proche du
Grand Glacier.
Il n’avait pas tort. S’ils étaient montés plus haut, ils
auraient atteint le gigantesque mur de glace en une poignée de jours de marche.
Au début de l’été, juste avant d’entamer leur Voyage, ils avaient chassé le mammouth
à l’orée de ce même glacier, mais beaucoup plus à l’est. Depuis, ils avaient
contourné l’immense arc de cercle de la chaîne de montagnes par le sud et
étaient remontés par le flanc ouest, atteignant presque la colossale étendue
glacée.
En arrivant à la Grande Rivière Mère, ils laissèrent derrière
eux les derniers massifs détachés et les contreforts détritiques des monts qui
avaient dominé leurs premières étapes, et ils obliquèrent vers l’ouest en
direction d’une nouvelle chaîne montagneuse plus importante
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