Le grand voyage
terre, qui s’était
déroulé dans l’extrême lenteur du temps géologique. Au sud, apparaissaient les
contreforts des hautes montagnes occidentales dont les plus hauts sommets n’étaient
jamais adoucis par la chaleur de l’été. Année après année, les pics immenses
accumulaient neige et glace, et la crête des sommets scintillait au loin dans l’air
pur et limpide.
Les hauts plateaux rocheux du nord étaient les vestiges d’anciennes
montagnes érodées par les siècles. La roche cristalline, enracinée dans le
soubassement le plus profond, s’était soulevée à l’aube de l’humanité. Luttant
contre cette fondation inflexible, la force irrésistible des continents qui
dérivaient inexorablement vers le nord avait brisé et plie la croûte terrestre,
soulevant de gigantesques massifs montagneux sur des espaces immenses.
L’ancien massif restait marqué par le déploiement de force qui
créa les hautes cimes. Les inclinaisons, les failles, les brisures de la roche
qu’on devinait dans les ruptures de sa structure cristalline racontaient la
violence des pressions extraordinaires qu’elle avait subies. A cette époque, la
haute chaîne occidentale, et une autre plus à l’ouest, n’avaient pas été les
seules à être créées par la dérive des continents. La longue chaîne incurvée
que les deux voyageurs avaient contournée, et la série de massifs à l’est d’où
jaillissaient les cimes les plus hautes de la terre, provenaient également de
ce duel impitoyable.
Plus tôt, à l’Ere Glaciaire, quand les températures annuelles
étaient les plus basses, les glaciers recouvraient entièrement les massifs
montagneux, tout comme les sommets de moindre altitude, de leur croûte
scintillante. A mesure qu’ils avançaient, les glaciers creusaient des vallées
et des crevasses, et laissaient derrière leur passage des plaines de lavage,
des terrasses de graviers, et sculptaient des pitons rocheux dans les plus
jeunes sommets. Mais le glacier actuel, immense couche de glace éternelle, n’avait
perduré qu’en haute altitude.
Au nord, les fondements vallonnés des montagnes érodées se
découpaient en terrasses, où les cours supérieurs des rivières avaient creusé
des vallées en pente douce. Au sud, hormis les torrents qui tombaient
directement en cascade des hauts massifs, les rivières dévalaient des pentes
plus abruptes. La riche terre fertile où la Grande Rivière Mère serpentait
indiquait la démarcation entre les hauts plateaux vallonnés du nord et les
montagnes du sud.
Ayla et Jondalar se dirigeaient presque droit à l’ouest, sur la
rive nord du grand fleuve, à travers les vastes plaines alluviales. Le fleuve n’était
plus cette énorme Mère de toutes les rivières au débit volumineux qu’ils
avaient longée auparavant, mais elle n’en demeurait pas moins conséquente, et
après quelques jours, comme à son habitude, elle se divisa en plusieurs
chenaux.
Une demi-journée de marche en amont, ils tombèrent sur un nouvel
affluent dont la confluence tumultueuse leur sembla périlleuse, avec un rideau
de glace et des monticules de glaçons bordant chaque rive. Les affluents ne
descendaient plus des massifs familiers du nord, maintenant dépassés, mais des
terres inconnues de l’ouest. Réticent à franchir cette rivière dangereuse, et
ne voulant pas en remonter le courant, Jondalar préféra revenir sur ses pas et
traverser les multiples bras de la Mère.
Le choix s’avéra judicieux. Certains chenaux étaient larges,
pris dans les glaces le long des rives, et l’eau atteignait à peine les flancs
des chevaux. Le soir, après tant d’incidents et de drames en franchissant d’autres
cours d’eau, cette traversée en douceur de la Grande Rivière Mère leur parut
paradoxale, mais Ayla et Jondalar ne songeaient pas à s’en plaindre.
Dans le froid glacial de l’hiver, le simple fait de voyager
était suffisamment dangereux. La plupart des gens restaient dans le chaud
confort de leur logis, et si quelqu’un s’attardait dehors, les parents ou les
amis se précipitaient à sa recherche. Ayla et Jondalar étaient seuls. Qu’un
accident survienne, et ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes.
A mesure qu’ils grimpaient, ils remarquaient de subtils
changements dans la végétation. Les sapins et les mélèzes faisaient leur
apparition parmi les épicéas et les pins, près du fleuve. La température dans
les vallées était souvent plus froide qu’en
Weitere Kostenlose Bücher