Le grand voyage
tempête.
— Loup nous montrera le chemin, dit Ayla en faisant signe à
l’animal qui dormait en boule au pied du lit.
— Ça vous dérangerait que je vienne ? demanda
Jondalar.
Il n’était pas vraiment désireux d’assister à la naissance, mais
il ne voulait pas laisser Ayla sortir dans ce blizzard sans lui. S’Armuna lança
un coup d’œil interrogateur à Esadoa.
— Ça ne me dérange pas, dit la vieille femme, mais la
présence d’un homme est-elle nécessaire ?
— Rien ne l’interdit, fit S’Armuna, et Cavoa aimera
peut-être avoir un homme près d’elle. Elle n’a pas de compagnon.
Ils bravèrent tous les quatre les morsures du vent et
affrontèrent ensemble les bourrasques de neige. En arrivant, ils trouvèrent la
jeune femme recroquevillée près du feu éteint, le corps crispé de douleur, les
yeux agrandis par la peur. Elle poussa un profond soupir en voyant sa mère
accompagnée des trois autres. En un clin d’œil, Ayla avait déjà allumé le feu – à
la grande surprise d’Esadoa – et Jondalar était ressorti chercher de
la neige qu’il se proposait de faire fondre. Esadoa prépara le lit sur la
plate-forme et S’Armuna choisit des herbes dans la réserve qu’elle avait
rapportée la veille de son foyer.
Ayla installa la jeune femme confortablement, afin qu’elle pût
se coucher ou s’asseoir à son gré. Ensuite, elle attendit S’Armuna, et elles l’examinèrent
ensemble. Après avoir rassuré Cavoa qu’elles laissèrent en compagnie de sa
mère, les deux femmes marchèrent jusqu’à la cheminée pour discuter
discrètement.
— Tu as remarqué ? demanda S’Armuna.
— Oui. Tu sais ce que ça signifie ?
Jondalar, qui s’était tenu volontairement à l’écart, s’approcha
lentement des deux femmes et crut déceler sur leur visage une légère inquiétude
qui l’emplit d’appréhension. Il s’assit sur le rebord d’une couche et caressa
Loup d’une main distraite.
Jondalar trompait l’attente en arpentant les lieux de long en
large. Loup le regardait sans comprendre. Le géant trouvait que le temps ne
passait pas assez vite, regrettait que la tempête ne se calmât pas, et se
rongeait les sangs à ne rien faire. Il essaya de parler à Cavoa, cherchant des
mots d’encouragement, lui souriait, mais il se sentait surtout inutile. Que
pouvait-il faire ? Finalement, comme la nuit avançait, il s’endormit sur
une couche, alors que les échos de la tempête résonnaient comme un contrepoint
à l’attente exaspérante éclairée par une lumière blafarde, ponctuée de
halètements périodiques de plus en plus rapprochés.
Un soudain regain d’activité mêlé de voix précipitées le
réveilla. Le jour pointait par les fentes qui entouraient le trou d’évacuation
de la fumée. Il se leva, s’étira et se frotta les yeux. Totalement ignoré par
les trois femmes, il sortit uriner. Il remarqua avec joie que la tempête s’était
calmée, et que de rares flocons tourbillonnaient encore.
Alors qu’il s’apprêtait à rentrer, il entendit les premiers cris
d’un nouveau-né. Il sourit, mais resta dehors de peur d’importuner. A sa grande
surprise, un deuxième cri perça le silence, et bientôt un étrange duo s’époumona.
Il y en a deux ! s’exclama Jondalar. Incapable de résister, il entra dans
la caverne.
Ayla sourit en voyant arriver Jondalar et brandit un bébé
emmailloté.
— C’est un garçon ! s’écria-t-elle.
S’Armuna tenait dans ses bras un second bébé et s’apprêtait à
couper le cordon ombilical.
— Et ça, c’est une fille, dit-elle. Des jumeaux ! C’est
un signe favorable. Peu de bébés naissaient à l’époque d’Attaroa, mais je crois
que cela va changer. Je crois que la Mère nous fait comprendre que le Camp des
Trois Sœurs va de nouveau prospérer.
— Est-ce que tu reviendras ? demanda Doban à
Jondalar.
Il marchait déjà mieux, mais s’aidait encore des béquilles que
le géant lui avait fabriquées.
— Non, Doban, je ne crois pas. Un Voyage me suffit. Il est
temps que je m’arrête quelque part et que je fonde un foyer.
— J’aimerais bien que tu t’installes près d’ici, Zelandon.
— Moi aussi, affirma Jondalar. Tu vas devenir un bon
tailleur de silex, et j’aimerais t’apprendre encore beaucoup de choses. Ah, à
propos, tu peux m’appeler Jondalar, tu sais.
— Non, tu es Zelandon.
— Tu veux sans doute dire Zelandonii ?
— Non, Zelandon.
— Oui,
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