Le grand voyage
dire que j’ai longtemps cru que Loup nous créait des
ennuis ! s’exclama Jondalar. Sans lui, nous n’aurions probablement plus de
tente. Viens ici, Loup, dit-il en se frappant la poitrine pour inviter l’animal
à y poser ses pattes.
Ayla l’observa en souriant fourrager dans le pelage de Loup et
lui caresser le cou. Le changement d’attitude de Jondalar envers le fauve lui
faisait plaisir. Non qu’il l’eût jamais malmené, mais c’était la première fois
qu’elle le voyait manifester autant d’affection. D’évidence, Loup acceptait
avec joie ces démonstrations.
Sans l’anti-Loup, il y aurait eu beaucoup plus de dégâts, mais
les bêtes avaient tout de même dévoré leurs vivres de secours. Les ravages
étaient désastreux. Il ne restait quasiment plus de viande séchée ni de
galettes, et de nombreux paquets de fruits secs, légumineuses et céréales
avaient été déchiquetés ou manquaient. D’autres animaux les avaient sans doute
emportés après le passage des loups.
— Nous aurions dû prendre davantage des vivres que les S’Armunaï
nous offraient, déclara Ayla, mais ils en avaient si peu eux-mêmes. Nous
pourrions retourner là-bas, proposa-t-elle.
— Non, je ne préfère pas. Nous chasserons, cela nous
suffira jusqu’à notre arrivée chez les Losadunaï. Thonolan et moi en avions
rencontré et nous avions passé la nuit avec eux. Ils nous avaient conviés à
rester quelque temps parmi eux à notre retour.
— Crois-tu qu’ils nous donneraient des vivres pour le
Voyage ?
— Oui, j’en suis même sûr, répondit-il avec un sourire
malicieux. J’ai un Droit à Venir sur eux.
— Un droit ? s’étonna Ayla. Te sont-ils apparentés
comme l’étaient les Sharamudoï ?
— Non, mais ils sont amicaux et ils font souvent du troc
avec les Zelandonii. Certains connaissent ma langue.
— Oui, tu m’as déjà parlé d’eux, mais je ne suis pas sûre
de comprendre ce qu’est un Droit à Venir.
— C’est une promesse de rendre, dans un avenir plus ou
moins proche, quelque chose qu’on t’a donné, ou que tu as gagné. En paiement d’une
dette de jeu trop importante pour le perdant, par exemple, ou d’autre chose.
— D’autre chose ? s’étonna Ayla dont la curiosité s’éveillait.
— Oui, lorsque la valeur à rembourser est difficile à
définir. Il n’y a pas de limite à un Droit à Venir, on peut exiger n’importe
quoi, mais en général personne ne demande l’impossible. Accepter un Droit à
Venir prouve simplement sa bonne foi et sa confiance. C’est souvent un moyen d’offrir
son amitié.
Ayla prit un air entendu, sachant que Jondalar ne lui disait pas
tout.
— J’ai un Droit à Venir sur Laduni, poursuivit-il. Ce n’est
pas un droit majeur, mais il est tout de même tenu de me donner tout ce que je
lui demanderai. Et j’ai le droit de demander n’importe quoi. Il sera soulagé
que je n’exige que de la nourriture. D’ailleurs, il nous en aurait probablement
proposé de lui-même.
— Les Losadunaï habitent-ils loin ?
— Oui, assez. Ils vivent à la pointe ouest de ces
montagnes, et nous sommes complètement à l’est. Mais en suivant le fleuve, la
route est facile. Il faudra traverser la Grande Mère plus haut.
Ils décidèrent de camper là pour la nuit, et en profitèrent pour
faire un inventaire de leur matériel. Les pertes concernaient surtout la
nourriture. Ils rassemblèrent ce qu’il leur restait et constatèrent que le tas
n’était pas important, mais les dégâts auraient pu être pires. Ils devraient
vivre de chasse et de cueillette, mais la plupart de leurs affaires étaient
intactes ou facilement réparables, exception faite de la poche à viande qui
avait été mise en lambeaux. Le bateau avait au moins protégé leurs affaires des
intempéries, à défaut de la voracité des loups. Au petit matin, ils eurent une
décision importante à prendre fallait-il continuer de traîner le bateau, ou l’abandonner ?
— Nous arrivons dans une région montagneuse, déclara
Jondalar. Il va nous gêner.
Ayla vérifiait l’état des perches. L’une des trois avait été
brisée, mais deux suffisaient pour tirer le travois.
— Gardons-le encore, proposa-t-elle. Il sera toujours temps
de l’abandonner.
Ils laissèrent rapidement le bassin venteux derrière eux.
Vers l’ouest, le lit de la Grande Rivière Mère marquait la frontière d’un
violent combat entre les deux plus importantes forces de la
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