Le grand voyage
moi-même. Maintenant, si c’est un garçon, j’hésite
entre le nom de mon frère... ou celui d’un homme que j’ai connu. Mais si c’était
une fille, je lui donnerais le nom de S’Armuna. Elle m’a aidée à... à le voir,
une fois...
Les sanglots l’empêchèrent d’en dire plus.
Ayla prit la jeune femme dans ses bras. Il fallait que le
chagrin s’exprimât. Pleurer était le meilleur soulagement. Le Camp était
toujours rongé par un immense chagrin. Ayla espérait que la cérémonie de S’Armuna
aiderait à le libérer. Lorsque ses pleurs se calmèrent, Cavoa se dégagea et
essuya ses yeux d’un revers de main. Ayla chercha quelque chose pour sécher ses
larmes et défit un paquet qu’elle portait depuis des années pour que la jeune
femme utilisât le cuir souple qui servait d’emballage. Mais quand Cavoa vit ce
qui était à l’intérieur, elle écarquilla les yeux d’un air incrédule. C’était
une munaï, une petite figurine de femme sculptée dans l’ivoire. Mais cette
munaï-là avait un visage... celui d’Ayla !
Elle détourna vivement la tête, comme si elle venait de voir
quelque chose d’interdit, sécha ses yeux et sortit précipitamment. Songeuse,
Ayla enveloppa de nouveau la sculpture que Jondalar avait ciselée. Elle savait
ce qui avait effrayé Cavoa.
Tout en empaquetant leurs affaires, elle s’efforça de ne plus y
penser. Elle ramassa la bourse qui renfermait leurs pierres à feu et la vida
pour compter les morceaux de pyrite de fer grisâtres qu’il leur restait. Elle
se proposait d’en offrir une à S’Armuna, mais elle ignorait si on en trouvait
dans la région des Zelandonii, et elle voulait en garder pour les parents de
Jondalar.
Ayla se dirigea vers la grande habitation. Elle croisa Cavoa qui
en sortait, et adressa un sourire à la jeune femme qui lui renvoya un rictus
gêné. Ayla entra et il lui sembla que S’Armuna la regardait d’un air bizarre.
La sculpture de Jondalar avait fait naître une réelle inquiétude. Ayla attendit
d’être seule avec S’Armuna.
— Avant de partir, je voudrais te donner quelque chose. J’ai
découvert cela quand je vivais dans ma vallée, dit Ayla en ouvrant sa main. J’ai
pensé que tu pourrais l’utiliser dans ta Cérémonie du Feu.
S’Armuna regarda l’objet et jeta un coup d’œil interrogateur à
Ayla.
— Regarde. Cette pierre contient du feu, dit Ayla. Je vais
te montrer.
Elle marcha jusqu’au foyer, prit un peu d’amadou, et rassembla
quelques copeaux de bois autour d’une botte de massettes séchées. Elle prépara
du petit bois, se baissa et frappa la pyrite de fer avec un silex. Une grande
étincelle jaillit et tomba sur l’amadou. Ayla souffla dessus et une petite
flamme s’éleva comme par miracle. Ayla ajouta des brindilles pour faire
démarrer le feu, et se releva pour découvrir une S’Armuna ébahie.
— Cavoa m’a soutenu avoir vu une munaï qui avait ton
visage, et voilà que tu fais naître du feu. Serais-tu... serais-tu celle qu’on
prétend ?
— Jondalar a sculpté cette figurine parce qu’il m’aimait,
répondit Ayla avec un sourire tranquille. Il voulait capturer mon esprit, mais
il m’en a ensuite fait cadeau. Ce n’est ni une donii, ni une munaï. C’est une
preuve de son amour. Et pour ce qui est du feu, je n’y suis pour rien, c’est la
pierre à feu qui fait tout. Veux-tu apprendre à l’utiliser ?
— Est-ce que je vous dérange ? dit une voix près de l’entrée.
Les deux femmes se retournèrent et aperçurent Cavoa.
— Je suis venue chercher les mitaines que j’avais oubliées,
expliqua-t-elle.
S’Armuna et Ayla échangèrent un coup d’œil.
— Pourquoi pas ? fit Ayla.
— Cavoa m’assiste, précisa S’Armuna.
— Alors, je vais vous montrer à toutes les deux comment
marchent les pierres, décida Ayla.
Elle recommença l’expérience. Lorsque les deux femmes eurent
essayé à leur tour, elles se détendirent un peu, émerveillées par les
propriétés de la pierre étrange. Cavoa osa même poser une question sur la
munaï.
— Cette figurine que j’ai vue...
— C’est Jondalar qui l’a sculptée, peu après notre
rencontre. C’était pour prouver qu’il m’aimait, assura Ayla.
— Alors, si je veux montrer à une personne combien elle est
importante pour moi, je pourrai sculpter son visage ? demanda Cavoa.
— Bien sûr, dit Ayla. Quand tu fabriques une munaï, tu
ressens une émotion particulière, n’est-ce
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