Le grand voyage
altitude. La neige et la glace
blanchissaient les hauts plateaux environnants, mais il neigeait rarement dans
les vallées. Quelques légers flocons s’amoncelaient parfois sur le sol gelé et
dans les creux ou les dépressions. Lorsque les voyageurs ne trouvaient pas de
neige, ils brisaient la glace des rivières avec leur hache de pierre, et la
faisaient fondre pour se désaltérer.
Ayla devint plus attentive aux animaux qui parcouraient les
plaines de la vallée de la Mère. C’étaient les mêmes espèces qu’elle avait
rencontrées dans les steppes, mais celles qui recherchaient le froid
prédominaient. Ayla n’ignorait pas que la végétation desséchée des plaines
glaciales suffisait à leur subsistance, mais elle se demandait où ils
trouvaient l’eau nécessaire.
Elle devinait que les loups et les autres carnassiers tiraient
le liquide indispensable du sang de leurs proies, et qu’en sillonnant de vastes
étendues, ils trouvaient des poches de neige ou des morceaux de glace à sucer.
Mais qu’en était-il des chevaux et autres herbivores ? Où trouvaient-ils
de l’eau dans des terres qui se transformaient l’hiver en un désert gelé ?
Certaines régions étaient certes recouvertes de neige, mais d’autres n’étaient
que rocaille dénudée ou glace. Pourtant, desséché ou pas, partout où l’on
trouvait du fourrage, on trouvait aussi des animaux.
Bien qu’ils fussent toujours rares, Ayla aperçut davantage de
rhinocéros laineux que jamais, et les inévitables bœufs musqués qui les
accompagnaient invariablement. Les deux espèces recherchaient les vastes
étendues balayées par les vents, mais les rhinocéros préféraient l’herbe et les
carex, alors que les bœufs musqués, comme les moutons à qui ils ressemblaient,
se nourrissaient de lichens et de mousse. De grands rennes et des mégacéros
gigantesques aux andouillers géants se partageaient aussi la plaine glaciale
avec des chevaux protégés par leurs épaisses robes hivernales, mais le roi de
cette vallée était incontestablement le mammouth.
Ayla ne se lassait jamais d’observer ces géants. Bien que
parfois chassés par les humains, ils étaient si peu farouches qu’on aurait pu
les croire apprivoisés. Ils se laissaient souvent approcher. Le risque était
davantage du côté des humains. Les mammouths laineux, qui n’étaient pourtant
pas les plus gigantesques de leur espèce, restaient toutefois les animaux les
plus imposants que les humains eussent jamais vus, et qu’ils verraient jamais.
Avec leur double fourrure d’hiver et leurs défenses énormes, ils semblaient
encore plus gros que dans le souvenir d’Ayla.
Chez les petits, les défenses s’annonçaient par des incisives
supérieures d’environ quatre centimètres. Elles tombaient au bout d’un an, et
étaient remplacées par des défenses qui continueraient à pousser toute la vie.
Bien que les défenses fussent des ornements d’apparat jouant un rôle important
dans les relations entre mammouths, elles leur servaient aussi à briser la
glace. Et à ce jeu-là, les capacités des mammouths étaient phénoménales.
Ayla en prit conscience un jour qu’elle observait un troupeau de
femelles qui se dirigeait vers le fleuve. Certaines utilisèrent leurs défenses,
plus petites et plus droites que celles des mâles, pour arracher des blocs de
glace pris dans les anfractuosités de la roche. Ayla ne comprit pas tout de
suite l’intérêt de leurs efforts, puis elle vit une jeune femelle saisir un
morceau de glace avec sa trompe et l’enfourner dans sa bouche.
— De l’eau ! s’exclama-t-elle. C’est comme ça qu’elles
s’abreuvent ! Je me demandais où elles trouvaient à boire.
— Oui, je n’y avais jamais songé, mais maintenant que tu en
parles, je me souviens que Dalanar racontait des histoires là-dessus. Je
connaissais beaucoup de dictons sur les mammouths, mais je n’en ai retenu qu’un :
« Ne t’aventure jamais dehors quand les mammouths vont au nord. » On
pourrait en dire autant avec les rhinocéros, d’ailleurs.
— Je ne comprends pas, avoua Ayla.
— Cela veut dire qu’une tempête de neige approche, expliqua
Jondalar. Ces grosses créatures n’aiment pas la neige qui cache leur
nourriture. Ils en déblaient une partie avec leurs défenses et leur trompe,
mais quand la neige est très profonde, ils s’y enlisent. C’est dangereux pour
eux surtout s’il gèle après un redoux. Ils s’allongent pour la nuit
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