Le grand voyage
se déchaussaient pendant les longs hivers
où la nourriture principale était la viande maigre.
Afin d’éviter toute perte de temps, ils mangeaient peu, mais ne
sautaient que rarement un repas. Leur régime sans graisse et les efforts
physiques du Voyage les amaigrissaient. Ils n’en parlaient pas souvent, mais
ils étaient tous deux las de chevaucher sans cesse, et chacun avait hâte d’arriver
à destination. Pendant la journée, ils ne parlaient quasiment pas.
Ils chevauchaient ou marchaient en file indienne, assez près l’un
de l’autre pour entendre un éventuel appel, mais trop loin pour mener une
conversation. Il leur restait donc du temps pour penser, et le soir au
campement chacun faisait part à l’autre du fruit de ses réflexions
quotidiennes.
Ayla récapitulait ses dernières aventures. Elle avait beaucoup réfléchi
aux événements du Camp des Trois Sœurs, et avait essayé de comparer les S’Armunaï
et leurs deux chefs cruels, Brugar et Attaroa, avec les Mamutoï et le frère et
la sœur, compréhensifs et amicaux, qui les dirigeaient. Et elle ne manquait pas
de s’interroger sur les Zelandonii. Jondalar possédait tant de qualités qu’elle
ne pouvait concevoir son peuple autrement que foncièrement bon, mais en
réfléchissant à leurs sentiments à l’égard du Clan, elle se demandait si les Zelandonii
l’accepteraient. S’Armuna avait fait des allusions à leur forte aversion pour
ceux qu’ils appelaient les Têtes Plates, mais Ayla ne les imaginait tout de
même pas aussi cruels que la Femme Qui Ordonne des S’Armunaï.
— Je ne comprends pas comment Attaroa a pu commettre de
telles atrocités, remarqua-t-elle un soir qu’ils terminaient leur repas. Je me
pose des questions.
— Quel genre de questions ?
— Des questions sur mon peuple, les Autres. Quand je t’ai
rencontré, j’étais si heureuse de trouver enfin un de mes semblables. J’étais
soulagée de n’être plus seule au monde. Et comme tu étais merveilleux, j’ai cru
que tous ceux de ma race étaient comme toi. Ça m’a rendu très heureuse.
Elle était sur le point d’ajouter : « jusqu’à ta
réaction de dégoût quand je t’ai appris que j’avais été élevée par le
Clan ». Mais elle se retint en voyant Jondalar rougir de plaisir sous le
compliment.
Jondalar était ému de l’entendre parler ainsi, et il l’admirait.
— Ensuite, quand nous avons rencontré les Mamutoï, Talut et
ceux du Camp du Lion, poursuivit Ayla, j’ai continué à croire que tous les
Autres étaient bons et généreux. Ils s’aidaient mutuellement, et chacun avait
son mot à dire lorsqu’il fallait prendre une décision importante. Bien sûr, il
y avait Frébec, mais il n’était pas si méchant en fin de compte. Même ceux de
la Réunion d’Été qui s’étaient ligués contre moi à cause de mon éducation chez
le Clan, et certains des Sharamudoï, n’agissaient que par une peur due à l’ignorance.
Leurs intentions n’étaient pas mauvaises. Mais Attaroa était cruelle, une vraie
hyène.
— Attaroa était une exception, rappela Jondalar.
— Oui, mais regarde tous ceux qu’elle a influencés. S’Armuna
a été jusqu’à utiliser son savoir sacré pour l’aider à tuer et à persécuter des
gens, même si elle l’a regretté par la suite. Et Epadoa était prête à lui obéir
aveuglément.
— Elles avaient leurs raisons, protesta Jondalar. Les
femmes avaient été maltraitées.
— Je connais les raisons. S’Armuna croyait bien faire.
Epadoa adorait chasser et aimait Attaroa qui l’y autorisait. Je comprends ça.
Moi aussi j’aimais chasser et j’ai transgressé les lois du Clan pour le seul
plaisir de la chasse.
— Epadoa peut chasser pour tout le Camp, maintenant, et je
ne crois pas qu’elle soit vraiment mauvaise. Doban m’a dit qu’elle lui avait
promis de ne plus jamais lui faire de mal, et d’empêcher quiconque de lui en
faire. Je crois qu’elle l’aime encore plus à cause de tout ce qu’elle lui a
fait endurer. Elle tient l’occasion de se racheter, et elle ne la laissera pas
passer.
— Epadoa ne voulait pas faire du mal à ces enfants. Elle a
dit à S’Armuna qu’elle avait obéi à Attaroa de crainte que la Femme Qui Ordonne
les tuât si elle refusait. Attaroa elle-même avait de bonnes raisons. La
souffrance l’avait pervertie. Elle avait cessé d’être humaine, mais quelles qu’en
soient les raisons, elles ne l’excusent pas. Même Broud,
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