Le grand voyage
aussi cruel fut-il, n’aurait
jamais commis autant de crimes, et pourtant il me détestait. Et il n’a jamais
fait souffrir volontairement un enfant. Je croyais que ceux de ma race étaient
bons, mais je n’en suis plus aussi sûre, ajouta Ayla, l’air triste.
— Il y a des bons et des mauvais partout, Ayla, chacun
possède du bon et du moins bon en lui, avança Jondalar.
Il comprenait qu’Ayla était en train de faire l’inventaire de
ses dernières expériences et qu’elle essayait de les intégrer dans sa vision du
monde. C’était un moment important pour elle.
— Mais l’un dans l’autre, tout le monde est honnête et
essaie d’aider son prochain, ajouta-t-il. C’est dans l’intérêt de chacun. Après
tout, on ne sait jamais si on n’aura pas besoin d’aide un jour, alors autant
faire preuve de civilité.
— Oui, mais il y a les détraqués, comme Attaroa, rétorqua
Ayla.
— C’est vrai, concéda Jondalar. Et aussi ceux qui ne
donnent qu’à contrecœur, ou pas du tout, mais ils ne sont pas mauvais pour
autant.
— Oui, mais quelqu’un peut à lui seul développer chez les
autres le mal que chacun porte en soi, comme Attaroa avec Epadoa.
— La seule chose que nous puissions faire est d’empêcher
les êtres malfaisants de nuire. Estimons-nous heureux qu’il n’y ait pas
davantage d’Attaroa. Mais je t’en prie, Ayla, ne laisse personne gâcher l’élan
qui te porte vers les autres.
— Attaroa ne changera pas l’opinion que j’ai sur ceux que
je connais, et je crois que tu as raison pour la majorité des humains,
Jondalar. Mais Attaroa m’a rendue prudente.
— La prudence n’a jamais fait de mal à personne, mais donne
une chance aux gens de montrer leur bon côté avant de les condamner.
Les hauts plateaux de la rive nord les accompagnaient dans
leur avancée vers l’ouest. Sur les monts vallonnés, les arbres aux feuilles
persistantes, et dont les cimes étaient sculptées par les vents glacés, se
découpaient sur le ciel. Le fleuve se partageait en plusieurs chenaux qui
serpentaient au fond d’un cirque. Au sud et au nord, les frontières de la
vallée gardaient leurs différences caractéristiques, mais le fondement rocheux
entre le lit de la rivière et les falaises calcaires des montagnes méridionales
était craquelé et creusé de profondes failles. Le cours du fleuve s’inclinait
vers le nord-ouest.
L’extrémité est du bassin était bordée par une autre ligne de
faille causée par la dépression du cirque davantage que par le soulèvement de
la roche calcaire. Vers le sud, le terrain s’étendait sur un vaste plateau
avant de remonter vers les montagnes, mais le plateau granitique septentrional
se rapprochait du fleuve, et descendait en pente raide sur la rive opposée.
Ils campèrent dans le cirque. Près de la rivière, les troncs
grisâtres et les branches dénudées des hêtres firent une apparition parmi les
épicéas, les sapins, les pins et les mélèzes. La région était assez abritée
pour que croissent des arbres aux feuilles caduques. Autour des arbres, un
petit troupeau de mammouths, mâles et femelles mêlés, tournait en rond dans une
apparente confusion. Ayla s’approcha pour tenter de découvrir ce qui se
passait.
Un mammouth, vieux géant aux défenses gigantesques, gisait au
sol. Ayla se demandait si c’était le troupeau qu’ils avaient observé casser les
blocs de glace. Existait-il deux mammouths aussi vieux dans la même
région ? Jondalar rejoignit Ayla.
— Je crois qu’il est en train de mourir. Ah, comme j’aimerais
pouvoir faire quelque chose ! s’exclama Ayla.
— Il a dû perdre ses dents, expliqua Jondalar. Dans ce cas,
il n’y a rien à faire, si ce n’est rester avec lui pour lui tenir compagnie,
comme ce troupeau.
— Que peut-on exiger de plus ? soupira Ayla.
Chaque mammouth adulte consommait de grandes quantités de
nourriture tous les jours, principalement les tiges ligneuses des hautes
herbacées ainsi que quelques petits arbustes. Avec un régime aussi rugueux, les
dents des mammouths étaient donc essentielles. Si essentielles même que l’espérance
de vie d’un mammouth dépendait de la solidité de sa denture.
Un mammouth laineux développait plusieurs séries de grosses
molaires broyeuses pendant sa vie d’environ soixante-dix ans. Six de chaque
côté du maxillaire supérieur et inférieur. Chaque dent pesait près de quatre
kilos et était spécialement adaptée au broyage
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