Le grand voyage
dit Ayla. Je comprends tes
pleurs. Ce qu’ils t’ont fait est horrible. Je sais ce que tu ressens.
Elle se leva, et prit la jeune fille dans ses bras.
— Comment pourrais-tu comprendre ? s’exclama la jeune
fille avec amertume en se dégageant.
— J’ai connu cette même douleur et cette humiliation,
assura Ayla. La jeune fille la dévisagea avec surprise, et Losaduna hocha la
tête comme s’il venait de comprendre quelque chose d’important.
— Madenia, dit Ayla avec douceur, lorsque j’avais ton âge,
et même un peu moins, peu après que mes périodes lunaires se déclarent, j’ai
été forcée, moi aussi. C’était ma première fois. J’ignorais qu’on appelât cela
les Plaisirs et je ne me souviens que d’une violente douleur.
— Oui, mais par un seul homme ? fit Madenia.
— Un seul, oui. Mais il a souvent recommencé par la suite,
et je détestais ça ! s’exclama Ayla, surprise par sa propre véhémence.
— Plusieurs fois ? Pourquoi ne l’a-t-on pas empêché de
recommencer ? demanda Madenia.
— Tout le monde croyait que c’était son bon droit, et
personne ne comprenait ma colère et ma haine, ni pourquoi je ne ressentais que
de la douleur. Je commençais à m’inquiéter et je me demandais si j’étais
normale. Et puis la douleur a disparu, mais je ne ressentais toujours pas les
Plaisirs. D’ailleurs, il ne le faisait pas pour me les donner, il cherchait
surtout à m’humilier. Un jour, j’ai cessé de le haïr, et quelque chose d’inouï
s’est produit. Quand il me forçait, je pensais à autre chose, et je ne sentais
plus rien. Je l’ignorais. Lorsqu’il a comprise qu’il ne me faisait plus de mal,
je crois qu’il s’est senti humilié. Et il n’a jamais recommencé. Mais je ne
voulais plus qu’un homme me touche.
— Aucun homme ne me touchera ! s’écria Madenia.
— Tous ne sont pas comme Charoli et sa bande. Jondalar, par
exemple. C’est lui qui m’a appris la joie et les Plaisirs du Don de la Mère. Et
crois-moi, Madenia, c’est un Don merveilleux. Accorde-toi la chance de
rencontrer un homme comme Jondalar, et tu connaîtras la joie, toi aussi.
— Non ! Non ! hurla Madenia. C’est trop
horrible !
— Je sais, fit Ayla. Même les Dons les meilleurs peuvent
devenir malfaisants si on les détourne de leur usage. Mais un jour, tu voudras
être mère, et tu ne le deviendras jamais si tu ne partages pas le Don de la
Mère avec un homme.
— Ne dis pas ça, sanglota Madenia, le visage inondé de
larmes. Je ne veux pas l’entendre.
— C’est pourtant la vérité. Ne laisse pas Charoli gâter ce
que tu as de bon en toi. Ne le laisse pas te priver de la joie d’être mère.
Accepte les Premiers Rites, et tu t’apercevras que ce n’est pas forcément
douloureux. J’ai fini par apprendre, même si je n’ai pas eu la chance de
célébrer une cérémonie. La Mère a quand même trouvé un moyen de me donner cette
joie. Elle m’a envoyé Jondalar. Le Don va bien au-delà des Plaisirs, Madenia.
Il apporte davantage, crois-moi, s’il est partagé avec amour. Et si la douleur
que j’ai ressentie la première fois était le prix à payer pour ce que j’ai
découvert par la suite, je suis prête à en payer dix fois le prix pour tout l’amour
que j’ai obtenu. Tu as tant souffert que la Mère t’accordera peut-être un
privilège particulier... mais laisse-Lui une chance, Madenia. Penses-y, et ne
dis pas non avant d’avoir bien réfléchi.
Ayla se réveilla fraîche et dispose comme jamais. Elle s’étira
avec volupté et chercha Jondalar à tâtons, mais il était déjà parti. Déçue,
elle se souvint alors qu’il l’avait réveillée pour lui rappeler qu’il allait
chasser avec Laduni et quelques autres, et qu’il lui avait proposé de les
accompagner. Elle avait décliné l’offre la veille parce qu’elle avait d’autres
projets, et elle était restée couchée à paresser dans les douces fourrures
chaudes.
Cette fois, elle décida qu’il était l’heure de se lever. Elle s’étira,
passa les mains dans ses cheveux en se délectant de leur douceur soyeuse.
Solandia lui avait promis de lui expliquer comment fabriquer la mousse qui
nettoyait si bien.
Le repas était le même que les autres jours : un brouet de
poissons séchés, pêchés au début de l’année dans la Grande Rivière Mère.
Jondalar lui avait dit qu’ils allaient à la chasse parce que la Caverne était à
court de réserves, mais ce
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