Le grand voyage
de pierres plates, prit une pleine poignée d’écume et s’en
frotta le corps, ordonnant à Ayla d’enduire le corps de Madenia, et de se
frictionner à son tour, sans oublier d’en passer sur les cheveux.
L’homme chantonnait en se frottant avec la chose douce et
glissante, et Ayla eut l’impression qu’il ne s’agissait plus d’un rituel, mais
bien de manifester sa joie. Elle se sentait elle-même assez gaie, et se demanda
si la décoction qu’il leur avait fait boire n’y était pas pour quelque chose.
Lorsqu’il ne resta plus d’écume, Losaduna ramassa le bol en
bois, le remplit dans le bassin, revint sur l’aire pavée et se rinça en versant
l’eau sur son corps. Il recommença deux fois l’opération, remplit de nouveau le
bol et rinça ensuite Madenia, puis Ayla. L’eau s’écoulait loin du bassin, entre
les interstices des pierres. Alors, Celui Qui Sert la Mère les entraîna vers la
pièce d’eau tout en marmonnant une chanson sans paroles.
Ils s’assirent sur le banc, flottant presque dans l’eau. Ayla
était complètement détendue, et elle repensa aux bains de vapeur des Mamutoï,
qui n’étaient toutefois pas aussi agréables. Lorsque Losaduna décida qu’ils en
avaient eu assez, il alla à l’autre bout du bassin ôter le bouchon de bois. L’eau
commença à s’écouler dans la profonde tranchée creusée dans le sol, et Losaduna
se mit à hurler.
— Allez-vous-en, mauvais esprits ! Eau purificatrice
de la Mère, efface les traces de l’empreinte de Charoli et de ses hommes !
Fuyez, impuretés, que l’eau vous emporte ! Lorsque l’eau sera partie,
Madenia sera purifiée. Les pouvoirs de la Mère l’ont rendue aussi neuve qu’avant !
Ils sortirent alors de l’eau, et Losaduna les entraîna dehors
sans même s’arrêter pour prendre leurs habits. Le vent glacial et le sol gelé
rafraîchirent leurs corps brûlants. Les rares Losadunaï présents les ignorèrent
ou détournèrent la tête, ce qui rappela un souvenir pénible à Ayla. Lorsqu’elle
avait été damnée, ceux du Clan l’avaient regardée fixement sans la voir, mais
cette fois-ci c’était différent. Ceux qui passaient la voyaient, mais
feignaient de l’ignorer par courtoisie. Ils rentrèrent alors dans la tente,
bien contents de s’envelopper dans les douces couvertures sèches qui les
attendaient, et de déguster une infusion de menthe brûlante.
Comme elle portait la coupe fumante à sa bouche, le regard d’Ayla
tomba sur ses mains. La peau était ridée, mais d’une propreté ! En
peignant ses cheveux avec un instrument dentelé, taillé dans de l’os, elle
remarqua qu’ils crissaient.
— Quelle était cette douce écume ? demanda-t-elle.
Elle nettoie encore mieux que la racine de saponaire.
— C’est Solandia qui la fabrique, dit Losaduna. C’est un
mélange de cendre et de graisse, mais elle t’expliquera mieux que moi.
Après avoir terminé avec ses cheveux, Ayla peigna Madenia.
— Comment fais-tu pour que l’eau soit si chaude ?
— C’est un Don de la Mère aux Losadunaï, répondit l’homme
en souriant. Il y a plusieurs sources chaudes dans cette région. Certaines sont
utilisées par tout le monde, et d’autres sont sacrées. Nous considérons que
celle-ci est au centre et à l’origine des autres sources, c’est pourquoi elle
est la plus sacrée de toutes. C’est un grand honneur pour notre Caverne, et c’est
pourquoi personne ne veut en partir. Mais nous commençons à manquer de place et
un groupe de jeunes pensent sérieusement à fonder une nouvelle Caverne. De l’autre
côté de la rivière, un peu plus bas, il y a un endroit qui leur plaît, mais c’est
un territoire de Têtes Plates, et ils hésitent encore.
Ayla hocha la tête. Elle se sentait si bien, si détendue, qu’elle
n’avait aucune envie de bouger. Elle remarqua que Madenia n’était plus crispée,
ni sur la défensive.
— Cette eau est un Don merveilleux ! s’exclama Ayla.
Que la Mère en soit remerciée !
— Il est très important d’apprécier tous les Dons de la
Mère, approuva Losaduna. Et surtout Son Don des Plaisirs.
— Son Don est un mensonge ! s’écria Madenia qui s’était
brusquement raidie. Ce n’est pas un plaisir, il n’apporte que la douleur !
C’était la première fois qu’elle ouvrait la bouche.
— J’avais beau les supplier, ils n’arrêtaient pas !
Plus aucun homme ne me touchera, je le jure !
— Je comprends ta colère, lui
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