Le grand voyage
déshabiller, et voyant
que Madenia ne bougeait pas, il demanda à Ayla de lui ôter ses vêtements. La
jeune fille s’agrippa à ses habits quand Ayla voulut les lui retirer, tout en
regardant fixement Celui Qui Sert la Mère.
— Si elle ne se laisse pas faire, amène-la comme ça, dit
Losaduna avant de se glisser derrière la lourde peau.
Un filet de vapeur s’échappa de l’ouverture quand il souleva la peau
de mammouth. L’homme parti, Ayla réussit à déshabiller la fille, se dévêtit
ensuite prestement et conduisit Madenia derrière le rabat.
Des nuages de vapeur voilaient les reliefs d’un brouillard chaud
et embuaient les contours, mais Ayla devina un petit bassin tapissé de pierres
jouxtant une source naturelle d’eau chaude. Le trou qui permettait à l’eau de
se déverser dans le bassin était fermé par un bouchon de bois sculpté. De l’autre
côté du bassin, un tronc d’arbre creusé, qui amenait de l’eau froide d’un
ruisseau voisin, avait été surélevé de façon à ne pas refroidir le bassin. Les
volutes de vapeur s’estompèrent juste le temps pour Ayla d’apercevoir les
peintures qui décoraient l’intérieur de la tente. C’étaient des animaux, la
plupart gros de futurs petits, que la vapeur avait estompés. Il y avait aussi d’énigmatiques
triangles, cercles, trapèzes et autres figures géométriques.
Des laines de mouflon feutrées entouraient le bassin et la
source, et leur chaude douceur caressait les pieds. Des signes dessinés sur la
laine conduisaient à la partie la moins profonde du bassin. Sous l’eau, on
apercevait des bancs de pierre situés à l’autre extrémité de la pièce d’eau. Au
fond, sur une estrade de terre, trois lampes en pierre, sortes de bols remplis
de graisse fondue au centre desquels flottait une mèche aromatique, éclairaient
la statuette d’une femme dotée de formes généreuses. Ayla reconnut la
représentation de la Grande Terre Mère.
En face de l’autel, un cercle de pierre d’une géométrie parfaite
entourait un foyer impeccablement rond. Losaduna apparut au milieu des nuages
de vapeur et prit sur l’autel un petit bâtonnet. Une goutte noire tachait l’extrémité
de l’objet et Celui Qui Sert le présenta à la flamme d’une lampe. Le bâtonnet
prit feu instantanément, et à l’odeur Ayla devina qu’il avait été trempé dans
de la poix. Losaduna alla jusqu’au foyer en protégeant la petite flamme de sa
main et alluma l’amadou. Le feu prit aussitôt en dégageant un arôme agréable
qui masqua la forte odeur de soufre.
— Suivez-moi, dit Losaduna.
Plaçant son pied entre deux lignes parallèles dessinées sur la
laine de mouflon, il commença à marcher autour du bassin en suivant un chemin
très précis. Madenia le suivit d’un pas traînant, sans se soucier où elle
posait les pieds, mais Ayla imita scrupuleusement Celui Qui Sert. Ils firent un
tour complet autour de la source et du bassin, enjambant le ruisseau d’eau
froide ainsi qu’une profonde tranchée. En entamant le deuxième tour, Losaduna
se mit à chanter d’une voix mélodieuse, invoquant tous les noms et titres de la
Mère.
— O Duna, Grande Terre Mère, Puissante et Bienfaisante
Nourricière, Grande Mère de Toutes les Créatures, Mère Originelle, Mère
Première, Toi Qui Bénis les femmes, Mère Très Compatissante, écoute notre
prière.
Il répéta l’invocation plusieurs fois tout en accomplissant son
deuxième tour.
Comme il plaçait son pied sur les lignes parallèles pour entamer
le troisième tour, il répéta encore une fois, « Mère Très Compatissante,
écoute notre prière », mais au lieu de recommencer depuis le début, il
enchaîna :
— O Duna, Grande Terre Mère, une des Tiennes a été blessée.
Une des Tiennes a été violentée. Une des Tiennes doit être purifiée pour
recevoir Ta bénédiction. Puissante et Bienfaisante Nourricière, une des Tiennes
a besoin de Ton aide. Elle doit être soignée. Elle doit guérir. Fais-la
revivre, Grande Mère de Toutes les Créatures, et aide-la à connaître les joies
de Ton Don. Aide-la, Mère Originelle, à connaître Tes Rites des Premiers
Plaisirs. Aide-la, Mère Première, à recevoir Ta Bénédiction. Mère Très
Compatissante, aide Madenia, fille de Verdegia, enfant des Losadunaï, Les
Enfants de la Terre qui vivent près des hautes montagnes.
Ayla était émue et fascinée par les paroles et le cérémonial, et
elle décela avec plaisir des signes
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