Le grand voyage
d’intérêt chez Madenia. Après avoir achevé
le troisième tour, Losaduna les entraîna, toujours en posant soigneusement les
pieds sur les marques et en poursuivant ses invocations, vers l’autel de terre
où brûlaient les trois lampes qui entouraient la statuette de la Mère, la
dunaï. Près d’une des lampes, Losaduna prit un objet en forme de couteau,
taillé dans un os. Il était assez large, avec une double lame et une pointe
légèrement arrondie. Celui Qui Sert alla ensuite près du foyer.
Ils s’assirent autour du feu, Madenia entre eux, en regardant le
bassin. L’homme ajouta des pierres qui brûlent dans le feu, et dans une niche à
côté de l’autel, il prit un bol. La pierre devait avoir à l’origine une forme
de coupe, mais elle avait été creusée avec un maillet en pierre dure. Le
dessous du bol était noirci. Losaduna le remplit d’eau qu’il puisa dans une
outre rangée dans la niche, y ajouta des feuilles séchées qu’il prit dans un
petit panier, et posa le bol à même les braises.
Losaduna traça ensuite un trait avec le couteau sur une partie
du sol bien aplanie et entourée de coussins de laine. Ayla comprit soudain à
quoi servait le couteau. Les Mamutoï en utilisaient un semblable pour dessiner
des lignes, marquer le score des jeux ou garder une trace des paris, pour
esquisser une tactique de chasse, ou pour illustrer un récit. En observant
Losaduna, Ayla se rendit compte qu’il se servait du couteau pour illustrer une
histoire dont le but n’était pas le simple divertissement. Il récitait l’histoire
de sa voix mélodieuse, et dessinait des oiseaux pour souligner certains points
qu’il jugeait importants. Ayla finit par comprendre que l’histoire était une
allégorie de l’attaque qu’avait subie Madenia, et que les oiseaux figuraient
les agresseurs.
A l’évidence, la jeune fille était prise par le récit et s’identifiait
au jeune oiseau femelle dont parlait Losaduna. Et soudain, elle se mit à
sangloter violemment. Du plat du couteau, Celui Qui Sert la Mère effaça la
scène.
— C’est fini ! Rien ne s’est jamais passé, dit-il en
dessinant le jeune oiseau femelle. Elle est de nouveau intacte, comme au début.
Avec l’aide de la Mère, c’est ce qu’il t’arrivera à toi aussi, Madenia. Tout
sera oublié, comme si rien ne s’était passé.
Un arôme mentholé, mêlé d’une âcreté familière qu’Ayla ne put
reconnaître, emplit alors la tente. Losaduna vérifia l’eau qui chauffait sur le
feu et y puisa une coupe qu’il offrit à Madenia.
— Bois ça, ordonna-t-il.
Prise de court, la jeune fille avala le liquide sans réfléchir.
Losaduna puisa une seconde coupe pour Ayla, et une autre qu’il but. Il se leva
ensuite, et les conduisit au bassin.
Losaduna avança lentement dans l’eau fumante, mais sans la
moindre hésitation. Madenia le suivit, et Ayla leur emboîta le pas. Mais à
peine avait-elle posé le pied dans le bassin qu’elle l’ôta aussitôt. C’était
brûlant ! L’eau est presque assez chaude pour y cuire, constata-t-elle
avec stupeur. Il lui fallut un gros effort de volonté pour s’obliger à remettre
un pied dans l’eau brûlante. Elle resta plantée, une jambe en l’air, avant de
pouvoir avancer. Elle s’était souvent baignée dans l’eau froide de rivières, de
torrents, de bassins, parfois même après avoir brisé la pellicule de glace qui
recouvrait la surface, elle s’était lavée dans de l’eau réchauffée par le feu,
mais elle n’avait jamais mis les pieds dans de l’eau aussi chaude.
Losaduna les guidait lentement pour qu’elles eussent le temps de
s’habituer à la chaleur, mais Ayla fut beaucoup plus longue à atteindre les
bancs en pierre. Pourtant, à mesure qu’elle progressait dans l’eau, un doux
bien-être l’envahit. Lorsqu’elle se fut assise et que l’eau lui arriva au
menton, elle se décontracta enfin. Ce n’est pas si mal, une fois qu’on s’habitue,
décida-t-elle. En fait, la chaleur faisait du bien.
Dès qu’ils se furent habitués, Losaduna recommanda à Ayla de
retenir sa respiration et de plonger la tête sous l’eau. Elle s’exécuta et
lorsqu’elle refit surface, il enjoignit à Madenia de l’imiter. Puis il plongea
à son tour, et les conduisit ensuite hors du bassin.
Il pénétra dans le petit passage et en rapporta un bol en bois,
rempli d’une matière épaisse et jaunâtre qui ressemblait à de l’écume. Il le
posa sur une aire pavée
Weitere Kostenlose Bücher