Le grand voyage
qu’ils eussent allégé sa charge, la cargaison était toujours
instable et la brusque élévation de terrain l’inquiéta. Son sabot glissa, se
reprit, et après quelques hésitations, le jeune étalon se mit en marche. Ce fut
ensuite le tour d’Ayla suivie de Whinney qui tirait le travois. La jument qui
avait transporté les perches depuis si longtemps, et sur tous les terrains, ne
se formalisa pas. D’autre part, contrairement à Rapide qui portait la lourde
charge sur son dos, les perches que tirait Whinney l’aidaient à trouver un meilleur
équilibre.
Loup fermait la marche, mais c’était plus facile pour lui, avec
ses pattes plus courtes aux larges coussinets calleux et antidérapants. Il
suivait ses compagnons, conscient d’une menace invisible, épiant le moindre
mouvement en bonne arrière-garde.
La lumière de la lune se reflétait dans les saillies de glace et
sur les surfaces planes semblables à des miroirs. On distinguait sans mal la
moraine qui descendait comme une rivière de sable et de pierres au ralenti,
mais la lumière nocturne déformait la taille et la perspective des objets, et
en dissimulait les détails.
Jondalar marchait d’un pas mesuré, conduisant Rapide avec
précaution, contournant les obstacles. Ayla s’inquiétait davantage pour sa
jument que pour elle-même. Quand la pente devint plus abrupte, les chevaux,
déséquilibrés par l’inclinaison et par leur lourd fardeau, commencèrent à
déraper. Un sabot de Rapide patina, et l’étalon affolé hennit et essaya de se
cabrer.
— Allez, Rapide, l’encouragea Jondalar en tirant sur la
longe comme s’il pouvait le faire avancer grâce à sa seule force. Allez, nous y
sommes presque. Tu vas y arriver.
L’étalon aurait bien voulu lui faire plaisir, mais ses sabots
patinaient sur la glace recouverte d’une fine pellicule de neige, et il
entraîna Jondalar dans sa glissade. Celui-ci donna du mou à la longe, et finit
par la lâcher. Le chargement de Rapide était précieux, et il regretterait
surtout l’étalon, mais il craignait que le cheval ne réussisse pas à escalader
le raidillon.
Mais lorsque les sabots de Rapide retrouvèrent le gravier, il
cessa de glisser, redressa la tête et s’arracha en avant d’un solide coup de
reins qui lui permit de franchir le rebord en léger surplomb. D’un pas sûr, il
évita adroitement une étroite crevasse avant de prendre pied sur la surface
aplanie du glacier. Jondalar observa le ciel passer du noir au bleu indigo
tandis qu’une faible lueur pointait à l’est, et il flatta l’encolure de Rapide
en lui murmurant des mots d’encouragement.
Une secousse fit vibrer la corde sur son épaule. Il pensa qu’Ayla
avait glissé et lui donna davantage de mou. Soudain, la corde lui échappa et
une violente saccade à la taille l’ébranla. Elle se tient certainement à la
longe de Whinney, se dit-il. Il faut qu’elle la lâche.
Il empoigna la corde à deux mains et hurla :
— Lâche la longe, Ayla ! Whinney va te faire tomber.
Mais Ayla ne l’entendit pas, ou ne comprit pas. Whinney avait
commencé l’escalade du raidillon, mais elle ne trouvait pas d’appuis et
reculait plus qu’elle n’avançait. Ayla se cramponnait à la longe comme si elle
pouvait empêcher la jument d’être emportée dans sa glissade. C’était au
contraire Ayla qui était entraînée en arrière, et Jondalar fut attiré
dangereusement à son tour. Cherchant quelque chose pour se retenir, il saisit
la longe de Rapide. L’étalon hennit bruyamment.
Ce fut le travois qui stoppa la glissade de Whinney. L’une des
perches se coinça dans une faille et permit à la jument de retrouver son
équilibre. Ses sabots s’enfoncèrent alors dans une coulée de neige et elle put
faire quelques pas qui l’amenèrent à une zone caillouteuse. Sentant la corde se
détendre, Jondalar lâcha la longe de Rapide. Il assura son pied dans une fente
de la glace et tira la corde.
— Donne-moi un peu de mou ! cria Ayla cramponnée à la
longe de Whinney qui progressait lentement.
Jondalar vit alors apparaître la tête d’Ayla par-dessus le
rebord et il la tira vers le haut. Whinney pointa les naseaux à son tour,
piétina légèrement et réussit à franchir le dernier obstacle, les perches du
travois dressées en l’air, le canot reposant sur le rebord du mur de glace qu’ils
venaient de franchir. Le ciel se stria de rose, dévoilant les contours de la
terre et Jondalar poussa un profond
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