Le grand voyage
tête. Il sautait sur l’un, sur l’autre, les léchait, aboyait,
les léchait encore. Finalement il s’assit sur son arrière-train, tendit le cou
vers le ciel et poussa un long hurlement de joie.
— Ça y est, Ayla, nous avons réussi ! s’écria
Jondalar. Nous avons réussi ! Nous avons franchi le glacier.
— Oh, Jondalar, C’est fantastique ! fit Ayla avec un
sourire radieux.
— Ce n’était pas très prudent, nous aurions pu nous
blesser... ou nous tuer.
— D’accord, c’était dangereux, mais c’était
formidable ! fit Ayla, les yeux encore brillants d’émotion.
Son enthousiasme était contagieux et malgré sa hantise d’un
accident, il ne put s’empêcher de sourire.
— Je dois avouer que c’était excitant, et approprié d’une
certaine manière. Je ne suis pas près de retraverser ce glacier. Deux fois dans
une vie, ça me suffit, mais je suis fier de l’avoir fait... Et je n’oublierai
jamais cette descente.
— Il ne nous reste plus qu’à atteindre la rive, et à
retrouver Whinney et Rapide.
La nuit tombait et entre la lumière aveuglante du couchant et
les ombres trompeuses du crépuscule, on distinguait mal les environs. La
fraîcheur du soir avait fait retomber la température, et il gelait de nouveau.
Ils apercevaient les contours du lac, rassurante terre noire parsemée de neige
çà et là, mais ils ne savaient pas comment l’atteindre. Ils n’avaient pas de
pagaies, et les perches étaient restées sur le glacier.
Le lac paraissait calme, mais l’écoulement rapide des eaux de
fonte provoquait un courant subaquatique qui les entraînait lentement vers le
rivage. Lorsqu’ils furent assez près, ils sautèrent dans l’eau suivis de Loup
et tirèrent le canot sur la terre ferme. Loup s’ébroua, arrosant Ayla et
Jondalar qui n’y prirent même pas garde. Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre,
heureux d’être en vie, amoureux, et soulagés de sentir la terre sous leurs
pieds.
— Nous avons réussi. Nous sommes presque arrivés, Ayla,
murmura Jondalar, qui avait cru qu’il ne la tiendrait plus jamais dans ses
bras.
Avec le regel, la neige détrempée crissait à nouveau sous les
pas.
Main dans la main, ils traversèrent une zone de graviers et
arrivèrent dans un pré. Il n’y avait pas de bois pour faire du feu, mais ils ne
s’en souciaient guère. Ils mangèrent des galettes, leur seule nourriture sur le
glacier, et ils burent l’eau de fonte de leurs outres. Ils plantèrent ensuite
leur tente et étalèrent leurs fourrures de couchage, mais avant de se coucher
Ayla scruta les ténèbres en se demandant où avaient disparu les chevaux.
Elle siffla, espérant que Whinney l’entendrait, mais aucun bruit
de sabots ne lui parvint et les chevaux ne se montrèrent pas. Elle siffla
encore, mais sans résultat. Il était trop tard, les recherches ne pourraient
pas commencer avant le lendemain. Ayla se glissa dans ses fourrures aux côtés
de Jondalar, et caressa Loup qui vint se blottir contre elle. Préoccupée par
les chevaux, elle sombra néanmoins dans un sommeil profond.
L’homme contempla les cheveux blonds ébouriffés de la jeune
femme dont la tête reposait au creux de son épaule, et il décida de remettre
son lever à plus tard.
Plus rien ne pressait à présent, et cette absence de tension
laissait un vide qui le désarçonnait. Il devait se persuader qu’ils n’étaient
plus sur le maudit glacier et qu’ils pouvaient prendre tout leur temps,
paresser dans leurs fourrures la journée entière, par exemple.
Le glacier était derrière eux. Ayla était saine et sauve. La
vision d’Ayla disparaissant dans la crevasse s’imposa a lui, et il la serra
plus fort contre lui. La jeune femme s’accouda et ouvrit les yeux. Elle adorait
le regarder. Sous la tente en peau de bête, la lumière tamisée adoucissait le
bleu intense de ses yeux, et son front était lisse pour la première fois depuis
longtemps. Elle fit courir ses doigts le long de ses rides, sur sa joue, sur
les contours de son visage.
— Tu sais, avant de te rencontrer, j’essayais de me figurer
à quoi ressemblait un homme des Autres. Pas un homme du Clan, un de mes
semblables. Mais je n’y arrivais jamais. Tu es si beau, Jondalar.
— Les femmes sont belles, protesta Jondalar en riant. Pas
les hommes.
— Ah bon ? Comment sont-ils, alors ?
— Ils sont forts, ou braves.
— Toi, tu es fort et brave, mais la beauté n’a rien à voir
là-dedans.
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