Le grand voyage
camouflé dans une dépression du sol, des oisillons juste éclos tendirent
leur cou, le bec grand ouvert, mendiant chacun sa part du festin délectable.
Bientôt, apparut une deuxième alouette, dont le plumage légèrement plus gris se
confondait avec la couleur de la terre. C’était la femelle. Elle tenait dans
son bec un insecte volant. Pendant qu’elle en gavait un bec avide, le mâle s’envola
en décrivant des cercles ascensionnels puis disparut. On n’entendit plus que
son chant magnifique.
Ayla l’imita en sifflotant, avec une telle perfection que la
femelle cessa de picorer le sol pour l’observer. Ayla siffla de nouveau,
regrettant de ne pas avoir de graines à offrir. Dans sa vallée, elle ne manquait
jamais de nourrir les oiseaux qui voletaient autour de la caverne, et c’était
là qu’elle avait commencé à imiter leurs chants. Petit à petit, avec ou sans
graines à partager, elle avait réussi à les attirer et ils étaient devenus les
charmants compagnons de ses longues années de solitude. La mère alouette s’approcha,
cherchant l’intrus qui avait envahi son territoire, mais ne voyant pas d’autre
alouette, elle retourna nourrir ses petits.
D’autres sifflements plus doux et répétitifs qui s’évanouissaient
dans une sorte de gloussement retinrent l’attention d’Ayla. Si les gélinottes
étaient assez charnues pour faire un bon repas, ces tourterelles roucoulantes
aussi, pensa Ayla, en cherchant des yeux ces oiseaux qui ressemblaient aux
gélinottes brunes. Dans les basses branches, elle aperçut un simple nid de
brindilles contenant trois œufs blancs, avant de voir le pigeon dodu à la
petite tête, au bec menu et aux courtes pattes. Son plumage doux et dense était
d’un brun pâle presque rose, et sur son dos et ses ailes, dont le dessin net
rappelait un peu une carapace de tortue, scintillaient des taches moirées.
Jondalar remua, et Ayla se tourna pour contempler l’homme dont
la respiration régulière témoignait d’un sommeil profond. Attentive à ne pas
réveiller Jondalar, elle se glissa hors des chaudes fourrures, encore
légèrement humides, avec précaution. Jondalar grogna, mais il n’ouvrit les yeux
qu’après s’être rendu compte que la couche de sa compagne était vide.
— Ayla ? Ah, tu es là, murmura-t-il.
— Dors, Jondalar. Tu n’as pas besoin de te lever tout de
suite, assura-t-elle en rampant hors de leur nid.
L’air était frais et pur, le ciel d’un bleu étincelant sans l’ombre
d’un nuage. Loup était parti, sans doute en chasse, ou en exploration, se dit
Ayla. Les chevaux aussi avaient disparu, et elle les aperçut paissant vers la
vallée. Bien que le soleil fût encore bas dans le ciel, une brume s’élevait du
sol détrempé, et Ayla en mesura l’humidité en s’accroupissant pour uriner. Elle
remarqua alors les traînées rouges le long de ses cuisses, et comprit que ses
périodes lunaires avaient commencé. Elle les attendait. Elle devrait se laver
et nettoyer ses dessous, mais avant toute chose, il lui fallait la laine de
mouflon.
Le fossé était à demi plein d’une eau courante propre et claire.
Elle se baissa et se lava les mains, but quelques gorgées d’eau fraîche, et
retourna à l’abri en se hâtant. Jondalar était debout et il l’accueillit d’un
sourire. Ayla ouvrit un de ses paniers et le fouilla. Jondalar sortit deux de
ses propres paniers et revint chercher le reste de leurs affaires pour vérifier
l’ampleur des dégâts causés par l’inondation. C’est alors que Loup rentra au
bercail en gambadant. Il alla droit vers Ayla.
— Tu m’as l’air bien content de toi, remarqua Ayla en lui
frictionnant l’encolure couverte de poils si drus qu’ils formaient presque une
crinière.
Lorsqu’elle cessa de le caresser, il sauta sur elle, labourant
sa poitrine et ses épaules de ses pattes boueuses. Son exubérance l’avait
surprise et il faillit la renverser. Elle se rétablit de justesse.
— Loup ! Regarde-moi toute cette boue, gronda-t-elle
alors qu’il se précipitait pour lui lécher le visage à grands coups de langue.
Avec un grognement taquin, il ouvrit la gueule et lui attrapa la
joue dans sa mâchoire puissante. Il la mordillait avec une infinie douceur,
comme il l’eût fait avec un nouveau-né. Les crocs n’avaient pas pénétré la
peau, ils laissèrent à peine une trace. De nouveau Ayla plongea ses mains dans
son cou et lui repoussa la tête pour le regarder dans les
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