Le grand voyage
yeux avec autant d’affection
qu’il en montrait lui-même. Elle lui mordilla ensuite la mâchoire en grognant
comme il l’avait fait.
— Maintenant, suffit, Loup. Tu vois dans quel état tu m’as
mise ! Il va falloir que je lave tout ça, murmura-t-elle en brossant la
tunique de peau qu’elle portait sur la courte culotte qui lui servait de
dessous.
— Si je ne le connaissais pas si bien, j’aurais peur en
voyant comme il te traite, Ayla, intervint Jondalar. Il est devenu si grand, et
c’est un carnassier. Il pourrait tuer quelqu’un.
— Ne t’inquiète pas. C’est comme ça que les loups se disent
bonjour et montrent leur affection. Je crois qu’il est content que l’on se soit
réveillés à temps pour échapper au désastre.
— Tu as vu dans quel état est la vallée ?
— Non, pas encore... Loup va-t’en, gronda-t-elle en
repoussant l’animal qui reniflait son entrejambes. J’ai mes périodes lunaires,
expliqua-t-elle, en baissant les yeux, rougissante. Je suis venue prendre ma
laine, et je n’ai pas encore eu le temps de la chercher.
Pendant qu’Ayla vaquait à ses soins intimes, qu’elle lavait ses
affaires dans le ruisseau avant d’ajuster la laine spongieuse avec des
lanières, Jondalar marcha jusqu’au bord de la colline pour uriner. Il en
profita pour jeter un regard à ses pieds. Toute trace du campement avait
disparu. La vallée était inondée. Arbres arrachés, troncs morts ainsi que
divers débris plongeaient et émergeaient tour à tour de l’eau en effervescence
dont le niveau montait encore. La petite rivière qui arrosait la vallée était
toujours bloquée en aval, et le ressac, pourtant moindre que la veille, agitait
encore l’eau boueuse.
Jondalar contemplait en méditant le spectacle de désolation.
Sentant la présence d’Ayla qui venait de le rejoindre, il se retourna.
— La vallée doit se rétrécir en aval, remarqua-t-il, et
quelque chose bloque la rivière. Sans doute des rochers, ou un glissement de
terrain. L’eau est prisonnière. Ce qui expliquerait pourquoi la vallée était si
verte. Ce ne doit pas être la première fois qu’elle est inondée.
— Si nous étions restés, la lame déferlante nous aurait
emportés. Ma vallée était inondée chaque printemps, et c’était déjà assez
dangereux, mais ça...
Incapable de trouver les mots, elle termina inconsciemment sa
phrase en utilisant les signes du Clan, qui véhiculaient avec plus de force et
de précision ses sentiments de désarroi et de soulagement.
Jondalar la comprenait. Lui-même ne savait comment exprimer ce
qu’il ressentait. Ils s’assirent et contemplèrent en silence la vallée détruite
qui s’étendait sous leurs yeux. Ayla remarqua le front soucieux de son
compagnon.
— Si le bouchon de boue, ou ce qui empêche l’eau de s’écouler,
cède d’un coup, l’eau en déferlant risque d’être dangereuse, constata Jondalar.
J’espère que personne n’habite par là-bas.
— Ce ne pourra pas être pire que la nuit dernière. Tu ne
crois pas ?
— Hier, il pleuvait, il y avait de l’orage. Les gens
étaient prêts à affronter le danger, mais si le barrage cède sans avertissement
ils seront pris par surprise. Ce serait catastrophique.
— Mais si des humains habitent dans la vallée, ils se
rendront compte que la rivière ne s’écoule plus, et ils en chercheront la
cause, remarqua Ayla.
— Et nous ? Nous voyageons, et nous n’aurions eu aucun
moyen de savoir que la rivière était bouchée. Si un jour nous nous trouvons
dans cette situation, rien ne nous préviendra du danger.
Ayla considéra la vallée inondée.
— Tu as raison, Jondalar, dit-elle enfin. Une autre
inondation pourrait nous emporter. Tout comme la foudre aurait pu tomber sur
nous au lieu de carboniser le pin. Un tremblement de terre pourrait aussi nous
engloutir tous, sauf une pauvre petite fille qui resterait seule au monde. On
peut aussi tomber malade, ou naître avec une infirmité. Mamut disait toujours
que personne ne savait quand la Mère décidait de rappeler Ses enfants à Elle.
Cela ne sert à rien de s’inquiéter de ces choses. On n’y peut rien. C’est Elle
qui gouverne ?
Jondalar écoutait, soucieux. Puis il se détendit.
— Je m’inquiète trop, dit-il en entourant Ayla d’un bras
protecteur. Thonolan me le reprochait souvent. J’ai soudain eu tellement peur
de te perdre, et... Ayla, je ne sais pas ce que je deviendrais si jamais cela
arrivait,
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