Le grand voyage
appela
Jondalar.
Un fort roulement de tonnerre déchira l’air, si violent que le
ciel sembla se fracasser en mille morceaux. L’étalon hennit et se cabra, puis
se mit à caracoler sans but en tournant en rond. L’œil affolé, les naseaux
dilatés, les oreilles dressées, cherchant d’où venait le danger.
Mais précisément, le danger était partout, inexplicable, et c’était
là ce qui le terrifiait le plus.
L’homme empoigna le cheval, et essaya de lui faire baisser la
tête en passant son bras autour de son encolure tout en lui parlant pour le
calmer. Une grande confiance les liait et la voix de Jondalar, ses mains
familières apaisèrent finalement l’animal. Jondalar réussit à lui passer le
licol et s’attaqua au harnais en souhaitant que le prochain coup de tonnerre n’éclate
pas tout de suite.
Ayla vint chercher leurs derniers paquets dans la tente. Le
loup, qu’elle n’avait pas remarqué, ne la quittait pas d’une semelle. Quand il
la vit sortir à reculons de l’abri, Loup hurla, courut vers la saulaie, revint
à fond de train et hurla encore.
— Oui, Loup, nous partons ! Voilà, c’est vide,
dit-elle à Jondalar. Pressons-nous !
Elle se hâta de ranger ses paquets dans les paniers fixés sur le
dos de Whinney. L’inquiétude d’Ayla était communicative, et Jondalar craignait
que Rapide ne s’emballe. Le démontage de la tente fut vite réglé. Jondalar tira
les perches d’un coup sec en arrachant le rabat central, les jeta dans un
panier, et entassa par-dessus les lourdes peaux trempées. Lorsqu’il empoigna
Rapide pour le monter, le poulain ombrageux fit un brusque écart en roulant des
yeux. D’un saut mal assuré, Jondalar se retrouva tant bien que mal sur le dos
de Rapide quand une ruade manqua le désarçonner. Il agrippa l’encolure du
poulain et récupéra son assiette.
En montant Whinney, Ayla entendit le long hurlement de Loup,
accompagné d’un grondement étrange. Elle se retourna pour apercevoir Jondalar
cramponné au jeune étalon qui piaffait et ruait. Dès que Rapide se fut calmé,
elle se pencha pour inciter sa jument à partir au plus vite. Sans attendre,
Whinney se mit à galoper comme si une bête féroce la poursuivait, pensa Ayla.
Loup les précédait en bondissant à travers les buissons, et Rapide suivait avec
Jondalar. Le grondement menaçant s’amplifiait.
Whinney galopait à travers bois, évitant les arbres, sautant les
obstacles. Couchée sur l’encolure de la jument, agrippée à sa crinière, Ayla la
laissait choisir son chemin. La pluie et l’obscurité l’empêchaient de voir,
mais elle devinait qu’ils se dirigeaient vers les steppes sur les hauteurs.
Soudain, une suite d’éclairs illumina la vallée. Ils étaient dans les bois de
hêtres et atteindraient bientôt la montée. Elle regarda en arrière vers
Jondalar et étouffa un cri.
Derrière lui, les arbres bougeaient ! Elle eut le temps de
voir vaciller plusieurs grands pins. Puis ce fut de nouveau le noir. Elle n’avait
pas remarqué que le roulement menaçant s’était accentué, mais quand elle
entendit les arbres s’effondrer, elle comprit que le fracas de leur chute était
noyé dans un vacarme encore plus grand. Même le coup de tonnerre sembla se
dissoudre dans la violence du grondement.
Ça y était, ils gravissaient la colline. Ayla s’en aperçut au
changement d’allure de Whinney. Toujours aveugle, elle faisait confiance à l’instinct
de la jument. L’animal glissa, puis retrouva son équilibre. Ils émergèrent
alors des bois, et Ayla vit à travers la pluie les nuages déferler dans le
ciel. Elle pensa qu’ils avaient atteint le pâturage où les chevaux étaient
venus paître dans la soirée. Rapide et Jondalar les rejoignirent. Bien qu’Ayla
pût à peine discerner la silhouette de l’homme, ombre noire sur fond noir, elle
devina qu’il était lui aussi cramponné à la crinière de son poulain.
Whinney ralentissait l’allure et Ayla entendit son souffle
haletant. De l’autre côté de la prairie, le bois était moins épais, et la
jument n’avait plus à éviter les arbres au dernier moment. Ayla se redressa
sans lâcher la crinière de Whinney. Rapide piqua un galop frénétique, mais se
mit vite au pas et Whinney le rejoignit. La pluie se calmait. Les arbres
laissèrent place aux broussailles, puis à des champs, et bientôt les steppes s’étalèrent
devant eux, dans une obscurité atténuée par la lumière de la lune qui filtrait
à
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