Le grand voyage
d’urgence, de
petites galettes à base de viande hachée séchée, de graisse et de fruits secs.
Les aliments séchés étaient compacts et se conservaient bien.
Certains dataient de l’année dernière et provenaient des réserves de l’hiver
précédent, mais la plupart étaient en quantité limitée. Nezzie les avait reçus
d’amies et de parentes qui les avaient apportés à la Réunion d’Été. Ayla, qui
préférait se nourrir des produits frais de la terre pendant la bonne saison, s’en
était peu servie. S’ils n’étaient pas capables de survivre en profitant de la
générosité de la Grande Terre Mère, comment espéraient-ils surmonter la
traversée d’un pays inconnu pendant les rigueurs de l’hiver ?
Satisfaite, Ayla remballa le tout. Il n’était pas dans ses
intentions de prélever des provisions de secours pour le repas du matin. Un
couple de ramiers tomba sous les coups de sa fronde et finit à la broche.
Quelques œufs qui n’auraient jamais éclos furent étêtés et mis à cuire dans le
feu dans leur coquille et l’heureuse découverte d’une cachette de marmotte
agrémenta le repas. Le trou de l’animal se trouvait sous leurs fourrures de
couchage, empli d’arroches que la marmotte avait récoltées quand les bulbes
étaient à leur maximum. Ayla les cuisit avec les pignons, qu’elle débarrassa de
leur gangue en les cassant avec une pierre, après les avoir chauffés. Des mûres
fraîchement cueillies complétèrent le repas.
Jondalar et Ayla laissèrent derrière eux la vallée inondée
et prirent le chemin de l’ouest, en se rapprochant imperceptiblement de la
chaîne de montagnes. Les plus hautes cimes, bien que de moyenne altitude,
étaient couvertes de neiges éternelles, souvent enveloppées de brume et de
nuages.
Ils étaient arrivés dans le sud du continent froid et le
caractère des prairies s’était légèrement modifié. La profusion des herbacées n’expliquait
pas seule la variété des animaux qui prospéraient dans les plaines froides.
Dans chaque espèce, les animaux eux-mêmes avaient introduit des variations dans
leur régime alimentaire, leur schéma migrateur, et le partage des territoires.
Comme ce serait le cas par la suite dans les grandes plaines équatoriales du
sud, seul équivalent à la prodigieuse richesse des steppes de l’Ere Glaciaire,
la faune se partageait l’espace dans une interrelation complexe.
Certains animaux se nourrissaient exclusivement d’une seule
sorte de plante, d’autres d’une partie précise de ces plantes. D’autres ne
mangeaient ces mêmes plantes qu’à un stade ultérieur de leur développement.
Certains paissaient dans des lieux où d’autres n’allaient jamais, ou alors à
une autre saison. La diversité des espèces était respectée parce que les
habitudes alimentaires et les migrations des uns et des autres se complétaient.
Les mammouths à l’épaisse toison avaient besoin de grandes
quantités d’herbacées fibreuses, tiges, herbes ou carex, et de peur de s’embourber
dans la neige profonde, les marais ou la sphaigne des prairies, ils se
cantonnaient dans les plaines fermes et venteuses, proches des glaciers. Ils
entreprenaient de longues migrations le long du mur de glace, ne descendant
vers le sud qu’au printemps et en été.
Les chevaux des steppes se nourrissaient eux aussi de fibres
végétales. Comme les mammouths, ils digéraient les tiges grossières, mais leur
goût plus sélectif leur faisait préférer les variétés d’herbe de taille
moyenne. Ils savaient fouiller la neige pour trouver leur nourriture, mais l’énergie
dépensée dans cette quête dépassait l’énergie absorbée. D’autre part, les
déplacements dans la neige les épuisaient. Ils ne résistaient pas longtemps à
ces climats, et préféraient les surfaces dures et ventées.
Contrairement aux mammouths et aux chevaux, le bison se
nourrissait de feuilles et des enveloppes de l’herbe plus riches en protéine,
et préférait par conséquent l’herbe courte, ne s’aventurant dans les hautes
herbes qu’au printemps, à la saison des jeunes pousses. Pourtant en été, une
coopération, involontaire mais essentielle s’établissait. Grâce à leur denture
servant de cisailles, les chevaux tondaient les tiges épaisses de l’herbe des
prairies, stimulant la croissance des jeunes pousses derrière leur passage. Les
bisons, qui raffolaient précisément des jeunes pousses, suivaient les chevaux à
quelques
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