Le grand voyage
marais du nord. Trop humides
pour que pousse l’herbe, les terres pauvres et acides ne produisaient qu’une
végétation chargée de toxines, indigeste pour les grands troupeaux qui eussent
ravagé cette flore délicate. Les variétés de plantes y étaient limitées, et
trop pauvres en valeur nutritive pour suffire aux troupeaux. Seuls les animaux
dotés de larges sabots évasés, comme le renne, pouvaient y survivre. Les bêtes
énormes aux pattes courtaudes, ou les rapides coursiers aux sabots étroits, s’embourbaient
dans la terre humide et boueuse. Il leur fallait un sol ferme et sec.
Plus tard, les pâturages des régions chaudes ou tempérées
développèrent une végétation plus limitée, différente selon le climat et la
température. On y trouvait peu de variétés en été, et trop de neige abondante
en hiver. Les animaux équipés pour la terre ferme s’enlisaient dans la neige,
et ne savaient pas la déblayer pour trouver leur nourriture. Si les cerfs
subsistèrent dans les bois enneigés, c’était uniquement parce qu’ils mangeaient
les feuilles des arbres. Les rennes, eux, savaient fouir la neige à la
recherche du lichen. Les bisons et les aurochs survécurent, mais leur taille n’atteignit
plus des proportions impressionnantes. Le nombre des autres animaux, comme les chevaux,
diminuait à mesure que leur environnement naturel s’amenuisait.
La combinaison unique d’éléments rassemblés dans les steppes de
l’Ere Glaciaire avait stimulé le développement de la vie d’une façon
extraordinaire, et chacun de ces facteurs, le froid glacial, les vents
cinglants et la glace, était indispensable. Lorsque les vastes glaciers se
retirèrent vers les régions polaires, les immenses troupeaux fondirent aussi,
et les gigantesques animaux virent leur taille rétrécir, à moins qu’ils ne
disparussent complètement d’une terre devenue incapable de les nourrir.
Ayla s’inquiétait de la perte de son parflèche et des
indispensables perches. Elle pensait à les remplacer, mais encore faudrait-il s’arrêter
plus d’une nuit, et elle savait Jondalar anxieux d’avancer au plus vite.
De son côté, Jondalar pestait contre la tente trempée, mécontent
de dépendre de son abri. En outre, les peaux souffriraient d’avoir été pliées
et comprimées encore humides, et elles risquaient de pourrir. Il eût fallu les
étendre tout en assouplissant le cuir pendant le séchage, bien que les peaux
eussent été fumées au cours de leur fabrication. Cela prendrait plus d’une
journée, Jondalar en avait peur.
Dans l’après-midi, ils approchèrent des gorges d’une grande
rivière qui séparait les montagnes de la plaine. Grâce à leur position élevée,
ils avaient la vue de l’autre côté du fleuve. Le contrefort des montagnes était
troué de ravines et de couloirs creusés par les inondations, où couraient de
nombreux affluents. C’était un fleuve important, grossi par les cours d’eau
descendant de la face est des montagnes, et qui allait se jeter dans la mer
intérieure.
En amorçant la descente vers le fleuve, Ayla trouvait des
similitudes avec le paysage qui entourait le Camp du Lion, bien que le versant
d’en face fût plus accidenté. Mais de ce côté-ci, les ravines creusées dans le
lœss par la pluie et la neige étaient identiques, et les herbes hautes
séchaient sur pied, comme là-bas. Dans la vallée alluviale, des mélèzes et des
pins isolés étaient entourés de fourrés d’arbustes feuillus, et des massifs de
massettes, de roseaux, et de joncs bordaient la rivière.
Arrivés au bord de l’eau, ils marquèrent une pause. Le fleuve
était large et profond, grossi par les pluies récentes. Il allait falloir
improviser un plan pour le traverser.
— Dommage que nous n’ayons pas de pirogue, regretta Ayla en
repensant aux bateaux en peaux utilisés au Camp du Lion.
— Oui, tu as raison. Cela nous serait bien utile pour
traverser sans mouiller nos affaires. C’est curieux, je ne me souviens pas d’avoir
eu ce genre de problème avec Thonolan. Nous posions nos sacs sur des troncs d’arbre
et nous traversions à la nage. Évidemment, nous n’avions rien d’autre. Avec les
chevaux, c’est différent. On transporte davantage de matériel, mais c’est aussi
plus de tracas.
Comme ils chevauchaient vers l’aval, tout en étudiant la
situation, Ayla aperçut devant elle un groupe de frêles bouleaux. L’endroit lui
parut si familier qu’elle s’attendit
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