Le grand voyage
Avec ces mêmes
pouvoirs de créativité et d’abstraction, ils étaient les premiers à voir le
monde extérieur sous des formes symboliques, les premiers à en extraire l’essence
et à la reproduire. Ils étaient à l’origine de l’art.
Son étui en place, Ayla enfourcha sa monture. Voyant que
Jondalar avait préparé son propulseur, elle l’imita et se dirigea vers le lieu
qu’il lui avait indiqué. Le troupeau de bœufs sauvages se déplaçait lentement
tout en broutant. La vache qu’ils avaient choisie avait changé de pâturage, une
autre et un taurillon l’avaient rejointe. Ayla longea la rivière, guidant
Whinney d’une pression des genoux ou des jambes, accompagnée le plus souvent d’un
mouvement du corps. En approchant de leur proie, elle aperçut Jondalar qui
traversait le pré à sa rencontre. Les trois aurochs étaient pris en tenaille.
Jondalar leva le bras qui tenait le propulseur, espérant qu’Ayla
comprendrait qu’il lui demandait d’attendre. Il se reprochait de n’avoir pas
élaboré une stratégie plus précise, mais d’un autre côté, il était préférable
de ne jamais définir de plan trop strict. Tout dépendait de la situation et de
la réaction de la proie. Les deux aurochs qui paissaient aux côtés de la vache
tachetée compliquaient la tâche, mais rien ne pressait. Leur présence ne
semblait pas les alarmer et il voulait n’attaquer qu’à coup sûr.
Soudain, les aurochs levèrent la tête et leur indifférence
placide se mua en inquiétude. D’abord surpris, Jondalar sentit la colère monter
en lui lorsqu’il découvrit la cause de leur réaction. La langue pendante, Loup
avançait vers les aurochs l’air à la fois menaçant et joueur. Ayla ne s’en
était pas encore rendu compte et Jondalar dut se retenir de lui crier de
rappeler son louveteau. Un cri aurait effrayé les bêtes et les aurait probablement
fait fuir. Il attira l’attention de sa compagne en agitant la main, et lui
désigna Loup de sa sagaie.
Ayla aperçut Loup, mais elle n’était pas sûre des intentions de
Jondalar et elle lui demanda de lui expliquer ce qu’il attendait d’elle en utilisant
les signes du Clan. Bien qu’il en connût les rudiments, Jondalar ne comprit pas
qu’Ayla lui parlait en langage du Clan. Il se demandait surtout comment
retourner une situation largement compromise. Les vaches s’étaient mises à
meugler, et le taurillon, sensible à leur peur, s’était joint au concert. On
les sentait prêts à fuir. Ce qui s’était annoncé comme une chasse sans problème
se transformait en débâcle.
Avant que les choses n’empirent, Jondalar lança Rapide.
Apercevant le cheval au galop, la vache à la robe unie s’enfuit vers les
fourrés. Le taurillon la suivit en beuglant. Ayla attendit d’être sûre que
Jondalar poursuivait bien la vache tachetée, et à son tour elle lança Whinney
sur la proie. Celle-ci, plantée au milieu du pré, les regardait arriver en
meuglant avec inquiétude, lorsque soudain, elle détala vers le marécage. Ils se
précipitèrent à sa poursuite, mais comme ils la rejoignaient, la bête affolée
fit volte-face et fonça entre les deux cavaliers, droit vers les arbres de l’autre
côté du pré.
D’un rapide mouvement du corps, Ayla poussa Whinney dans la même
direction. La jument était habituée à de tels changements. Ayla avait déjà une
grande pratique de la chasse à cheval, même si elle choisissait d’habitude des
proies plus petites qu’elle abattait de sa fronde. Jondalar était plus à la
peine. Les rênes ne transmettaient pas ses ordres assez vite et, moins
expérimenté, il synchronisait mal les mouvements de son corps. Après quelques
hésitations, le cheval et son cavalier fondirent à leur tour sur la vache
tachetée.
La vache fonçait à toute allure vers le fourré broussailleux. Qu’elle
s’y réfugiât et il serait difficile de la suivre. Elle risquait donc de leur
échapper. Ayla et Whinney, avec derrière eux Jondalar sur Rapide, gagnaient du
terrain, mais les ruminants ne devaient compter que sur la rapidité pour
assurer leur survie, et les bovins sauvages couraient presque aussi vite que
les chevaux.
Jondalar poussa Rapide qui accéléra aussitôt. Tout en préparant
son propulseur, Jondalar rejoignit Ayla, et la dépassa. Mais à un signe
imperceptible de la jeune femme, Whinney allongea son galop. Ayla aussi avait
son arme prête, et même au triple galop son aisance et sa grâce
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