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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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reviens vélocement !
    Puis soutenant son coude, il se dirigea vers une archère.
    — Girard, dit Blanquefort, trouve-moi Augignac, Geoffroy, Roland et Roudouleux. Qu’ils viennent ici avec leur arbalète.
    Il se tourna vers les maçons :
    — Armez les vôtres, et que ceux qui n’en ont pas encochent une sagette à leur arc… Dès les premiers feux du jour, nous refrénerons l’ardeur de ces drôles.
    Bientôt Renaud et trois arbalétriers accédèrent aux remparts.
    — Vous êtes les plus habiles que je connaisse, leur dit le sénéchal, sans nulle envie pourtant de les congratuler. Quand leur malevoisine sortira de la nuit, vous y choisirez chacun un homme, mais ne le berserez qu’à mon commandement. Ses servants doivent être une dizaine. Je veux qu’ils soient occis omniement [33] . Vous m’avez bien compris ? Quant à vous, les gars, je vous fais confiance.
    Il s’était retourné vers les maçons. Ils acquiescèrent. Ogier remarqua de quel air méprisant Renaud les considérait. Il regretta d’être dépourvu d’un arc ou d’une arbalète.
     
    *
     
    La représaille combla les vœux du sénéchal. Alors que le soleil dispersait les ténèbres, les huit servants de la baliste tombèrent, foudroyés en même temps.
    Un homme contourna le tas de rochers préparés pour l’engin : Knolles. Singulièrement serein dans le tumulte que la prouesse de ceux de Rechignac avait provoqué parmi ses gens groupés derrière une dizaine de mantelets, il considéra ses artilleurs. L’un d’eux vivait encore. Il le tira par le collet tout en hurlant quelque chose.
    Aussitôt, une vingtaine de routiers s’insinuèrent dans les intervalles entre les abris et se précipitèrent autour de la baliste. Cramponnés à ses membrures et s’encourageant de la voix, ils s’employèrent à la rouler.
    Sur les murailles, les hommes avaient rencoché sagettes et carreaux.
    — Ils reculent !… Tuez ! hurla Blanquefort.
    Les arcs et les arbalètes crachèrent. Cinq routiers tombèrent. Et Knolles, lâchant son homme, fit face au château.
    — Il nous menace du poing, dit Guillaume, imperturbable.
    — Ils ont certes dégagé leur engin, commenta Roudouleux, mais ils le rapprocheront cette nuit… Et ils recommenceront.
    Sa voix tremblait. Ogier se demanda si ce petit gros boudiné dans ses mailles avait peur. Il s’en détourna.
    L’huile et l’eau fumaient dans les chaudrons. Il y en avait une vingtaine sur les murailles, mais on pouvait en monter davantage. Les bonnes volontés ne manquaient pas pour préparer les bouillons. Il entendit un son de trompe et les mantelets basculèrent.
    — Eh ! dit-il à ses compagnons ahuris, voyez donc tous ces drôles… Ils s’étaient accroupis derrière leurs planches… Or, les voilà debout.
    Peut-être étaient-ils deux cents. Immobiles ou presque, leurs boucliers ronds et noirs formaient une croûte géante, épaisse, d’où surgissaient des haches et des épieux. C’étaient encore ceux de Saint-Rémy : les sorgueurs à peaux de bêtes, hurlant : «  Édouard ! Édouard ! Édouard ! » à s’en corroder la gorge.
    — Combien sommes-nous sur les parois, Hugues ? demanda Guillaume.
    — Une centaine, vous le savez bien, grommela Blanquefort sans quitter des yeux la truandaille.
    Insensible à cette grigne pimentée d’irrespect, Guillaume se détourna :
    — Girard ?
    — Messire ?… Vous faut-il des hommes ?
    — Certes non… Mais c’est prudence d’en préparer cinquante autres… Cours dire à Jean de sonner l’appeau [34]  ! et de venir nous rejoindre.
    Ogier vit Enguerrand de Briatexte s’approcher de Knolles. Ils échangèrent quelques mots, puis l’homme à l’armure noire s’éloigna sans hâte. Quand il se retourna, son compère, de l’extrémité de son marteau d’armes, désignait le pont-levis.
    Il n’y eut, cette fois, aucun roulement de tambour ; rien que le bouillonnement discontinu, rauque, énorme, de cette cataracte humaine fluant vers les murailles.
    — Tue ! Tue ! Tue ! s’écria Guillaume.
    Sagettes, viretons, dondaines, boujons et dardes giclèrent des archères, des créneaux, et trouèrent ces vagues aux crêtes scintillantes, y créant des remous éphémères, tandis que l’Anglais maudit, bras croisés, surveillait du haut d’une éminence le remplissage du fossé.
    Comme lors de la première attaque, des hommes, après avoir jeté en bas arme et bouclier, glissèrent après les cordes,

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