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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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frappements !
    — Ils doivent monter des rochers, dit Ogier. Hélas ! l’Isle en est pleine et je vois des lueurs sur notre rive.
    — Girard ! appela Blanquefort.
    Aussitôt le soudoyer fut là, inquiet, attentif.
    — Éparpille-moi cent hommes sur les aleoirs. Ils y dormiront… d’un œil !
    Girard disparut en courant.
    — Dommage qu’on n’y voie goutte, regretta Ogier les yeux levés vers la lune ovale et terne. J’ai idée que leur perrière est placée juste devant nos entrées… Dès l’aurore, ils la rouleront au plus près. Il faudrait qu’il pleuve à verse et qu’elle s’embourbe… En attendant, nous devrions leur envoyer quelques traits enflammés.
    — Même en les accablant ainsi, mon neveu, nous ne pourrions les empêcher de rebâtir leur engin. Ne mésusons pas de nos traits… Va plutôt dire à Mathilde de me faire monter une paillasse… À partir de ce soir, je dormirai dans la machinerie des tours portières. Il y a de la place entre la muraille et les treuils.
    Le vacarme cessa peu à peu. Les feux lointains s’éteignirent et seuls des cris d’oiseaux troublèrent le silence. Ogier somnola entre Thierry Champartel et Matthieu, l’archer qui parlait dans son sommeil. Parfois, ouvrant les yeux, il découvrait deux ombres : Guillaume et Blanquefort, immobiles, attentifs, statues de la droiture et de la vigilance.
    Le froid de l’aube et des chuchotis l’éveillèrent. Il vit autour de lui ses compagnons debout, et d’autres qui s’ébrouaient. Blanquefort se pencha :
    — Le jour n’est pas loin, Ogier. Leur malevoisine se trouve juste face aux tours portières… J’ai vu son ombre… Ne demeurez pas là… Approchons-nous de la bretèche.
    Ils y parvenaient quand un chuintement les précipita sur les dalles.
    — Putain ! s’écria Guillaume. Prenez garde !
    Les premiers rocs catapultés par la perrière churent dans le fossé avec un bruit mou et vibrant. Ogier les compta : six. Le septième, le tir ajusté, se fracassa contre le tablier du pont-levis. Les hommes groupés en cet endroit s’agglutinèrent derrière les merlons.
    — Maugrebleu ! que le soleil se lève, s’écria le sénéchal, près d’Ogier. Alors nous verrons ces goguelus et les exterminerons avant qu’ils n’aient commis trop de dommages.
    — Jamais ils n’entreront par ce côté, dit Thierry Champartel. Messire, le chêne de notre pont est aussi dur que l’acier, et ses ferrures plus épaisses que ma main… Quant à la herse, ainsi que celle de la poterne, vous les connaissez : leurs barreaux sont aussi gros que mon poignet… Rien ne les pourra fausser.
    — Sans doute, Thierry, dit Guillaume, mais si cette grêle continue, je crains que les murs des deux ouvrages qui gardent tes herses et ton tablier ne se disjoignent, car cette artillerie ne les ménage pas !
    Derrière eux, des hurlements éclatèrent, bientôt percés par des appels.
    — À l’aide ! À l’aide !
    — C’est le vieux Rigaud, dit Ogier. Il est juste derrière nous.
    — Ils attaquent par là ? s’étonna Guillaume. Allez-y voir.
    — Bon Dieu ! s’exclama Thierry en s’élançant, l’arbalète au poing. Ils connaissent nos faiblesses… Venez, messire Ogier.
    Ils coururent, bousculant des hommes qui s’interrogeaient. Ils savaient qu’au nord-est, la muraille crénelée sur un faible encorbellement paraissait moins bien défendue que partout ailleurs par la demi-tour d’angle et la Guillaume dont elle était flanquée. Ils comprenaient que, profitant de la diversion créée par la perrière, des routiers s’étaient massés dans le fossé.
    — Une centaine !… Eh oui, une centaine, s’écria Rigaud en marchant à leur rencontre. Heureusement qu’on avait des boulets. Pourtant, ces malandrins sont parvenus à dresser deux échelles.
    — Ah ! si vous aviez vu, ajouta Jean, hilare. On a attrapé leurs montants entre les dents des fourches que j’avais fait monter, et on les a rejetées avant qu’aucun de ces singes ait pu nous atteindre. Et puisque te voilà, Thierry, il te faut nous forger des traverses que nous emmancherons sur des perches solides. Ainsi tous ces rejets nous seront plus aisés.
    — Je t’en ferai cette nuit. Pas le temps maintenant.
    — Une vingtaine… On les fera bisquer !
    — On les a repoussés, ajouta Rigaud. Mais faut avouer qu’on s’est embrennés [31]  !
    Ses compagnons, des maçons et des jeunes du hameau, acquiescèrent. L’un

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