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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’eux rampa jusqu’au parapet et sonda l’obscurité.
    — Ils y sont toujours, dit-il.
    — Alors, compères, dit Ogier, jetez-leur des boulets sur la goule. Et faites-en monter avant que d’en manquer… Allons ! Allons ! Écrasez-les… Quand il fera grand jour ils seront moins hardis.
    — C’est par trop noir, en effet, dit Thierry. Peut-on faire bouillir de l’eau et de l’huile ? Je vois derrière vous, messire, quatre chaudrons fumants.
    — Bien sûr !
    — Bonne idée, dit Blanquefort.
    Dans le vacarme, le damoiseau n’avait pas remarqué son approche. Il fut sensible à cet assentiment, tandis que le sénéchal enjoignait aux vieillards chargés de cette tâche :
    — Avivez les feux… Mais attends le jour, Rigaud, pour voir si ça vaut la peine d’ébouillanter ces coquins… Pour le moment, il vous reste quantité de rochers… Écrasez-les… J’ai dit partout que l’on mette l’eau à bouillir et qu’on fasse monter du bois sec… Je ne les comprends pas. S’ils nous assaillaient de toutes parts, de jour comme de nuit, nous ne pourrions longtemps contrester [32] .
    — J’en conviens, dit Ogier. Mais alors ?
    — Alors ? Pour qu’ils s’activent ainsi, désordonnément, c’est que certains d’entre eux, que nous croyions sous le couvert de la forêt, sont partis soutenir quelque part leurs pareils… Peut-être à Bergerac.
    Puis, après un silence, et en attirant le damoiseau jusqu’au renflement de la Guillaume d’où il éloigna un homme, Massoutier, le sénéchal, annonça :
    — Nous sommes vendredi 19… Ça ne vous dit rien ?
    — Rien.
    — Il y a dix-huit ans que Tancrède est née… vers le coucher du soleil… Enfantée dans la souffrance.
    Ogier fut près de révéler : « Elle est de quatre jours mon ainsnée » ; il s’abstint, car Blanquefort souriait d’une façon terrible :
    — Le baron était absent. Et pourtant, Aline, notre sage-femme, l’avait averti que ces couches-là se présentaient mal… Mais que voulez-vous : il y avait des joutes chez Étiennart de Mavaleix… Je lui ai envoyé Aliaume, un sergent. Ils sont revenus au galop, or, il était trop tard : elle avait rendu l’âme.
    Ogier se promit de questionner sa mère sur Guibourc de Saint-Rémy sitôt après leurs retrouvailles.
    — Si votre dame était sur le point d’enfanter, iriez-vous courir des lances à dix lieues de votre demeure ?
    La venue de Guillaume épargna au damoiseau une réponse difficile.
    — Alors, criait-il de loin, ça va mal par ici ?
    — Plus maintenant, mon oncle.
    Le sénéchal interpella Rigaud :
    — Va tout de même chercher cinq ou six hommes. Vous étiez trop peu en cet endroit.
    — Revenez, vous deux, exigea Guillaume. Devant les entrées leur maudite perrière nous maltraite toujours.
    — Allons-y, dit Blanquefort, l’air résigné.
    Ogier suivit Guillaume et le sénéchal. Des sagettes, des carreaux sifflaient partout. À chaque créneau, ils se courbaient et couraient. Le baron crispait sa main sur son épaule blessée. Blanquefort tenait fermement son arbalète armée. Ogier s’étonna que le sénéchal se fût souvenu du jour où Tancrède était née. Guillaume le savait-il encore ?
    Il y avait quatre hommes d’armes – Joulet, Peyre, Matthieu et Florimont – accroupis derrière les merlons surplombant le pont-levis, et six tâcherons. L’un d’eux, Gibouin, avait été blessé par un éclat de roc.
    Sous le dôme bosselé de son chapel de fer, sa face aux poils gluants de sang s’anima :
    — Messire baron, ils n’entreront pas… Et les tours tiendront bon, j’en suis sûr, vu que je les ai bâties avec Antiaume, Ernaïs, Julien, Escrive et Sidobre, qui sont là.
    Les maçons et couvreurs approuvèrent. Sidobre fit un pas :
    — Leur tir commence à s’alentir… Mais faudrait bien que l’aube arrive.
    Ogier aperçut un enfant assis, adossé au mur. Blanquefort également.
    — Ton gars a sept ans, renvoie-le au donjon.
    — C’est folie, soupira Guillaume.
    — Je sais, messire, dit Sidobre. Mais, que voulez-vous, il n’a que moi… Depuis que sa mère, la Béatrix, est morte, il y a trois ans, Raoul me suit comme un chien.
    Ogier se souvint d’une femme maigre, rousse, échevelée qui parfois accédait aux échafaudages pour offrir une louche d’eau fraîche aux maçons.
    — Que je ne revoie plus ton fils ! menaça Guillaume, mécontent. Je t’autorise à le mener au donjon, mais

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