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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tiendrons bon… Vous pouvez souiller ces terres de votre présence, détruire les hameaux, les cités et nos gens… Un jour viendra où vous guerpirez… Quant à toi, félon, ne viens pas me signifier ma conduite… Retourne plutôt d’où tu viens et fais-y amende honorable !
    Cela dit, et sans poursuivre cet entretien stérile, Ogier descendit dans la haute cour. Il entra aux écuries où Marchegai lui fit fête.
    — Mon pauvre, ne te réjouis pas : tu restes ici. Ce soir, si je le peux, je te promènerai dans nos murs.
    Il alla prendre une fourchée de paille derrière l’abreuvoir et revint bouchonner son cheval. Il s’y appliqua. Il avait besoin de s’activer. Les espaces coutumiers semblaient avoir rétréci. Sa constance également.
    Il entendit de nouveau battre les tambours : Knolles s’en allait, la tête pleine d’intentions homicides. Alors, après avoir abreuvé son cheval, il sortit.
    Il se dirigeait vers la forge quand le cri d’un guetteur retentit :
    — Ils démontent leur malevoisine !
    Les femmes et les enfants éparpillés dans la cour s’empressèrent de chercher refuge au donjon ; les combattants que Girard destinait aux premiers affrontements se rassemblèrent, l’arc et l’arbalète au poing.
    — Allons voir, messire Argouges ! cria le soudoyer. S’ils démontent leur engin, y a pas de quoi s’affoler…
    Sitôt sur les remparts, ils coururent jusqu’à la demi-tour nord, d’où le cri était parti. Guillaume, Blanquefort et vingt archers s’y trouvaient.
    — Tu vois, mon neveu ?… La fête va bientôt recommencer… Nous prendrons de pesantes dragées sur la goule.
    À la courbe du chemin d’accès, les routiers s’activaient à décheviller les éléments de leur perrière. Ils étaient une quinzaine, hors de portée des traits d’arc ou d’arbalète : tandis que leur chef captait l’attention de la plupart des assiégés, ils avaient entouré leur machine d’un rempart de mantelets de bois.
    — Aspe est venu m’annoncer cet argu [29] , dit Blanquefort. Le temps que Canole nous parle, leur malevoisine était mise sous protection. Je croyais qu’ils attendraient la nuit pour la désosser, mais non : ils veulent gagner du temps… Quand il fera bien noir, ils la déplaceront pièce à pièce et la rebâtiront quelque part… sans doute devant nos entrées… Heureusement, leur trébuchet restera où il est ! Ils savent qu’il est trop petit pour ébranler nos murailles… et leur ribaudequin ne leur servirait pas à grand-chose… Canole nous les a montrés pour nous effrayer…
    — Eh bien, puisqu’il faut ménager nos sagettes et nos carreaux, dit Guillaume, attendons.
    Tout en grimaçant, il palpait son épaule.
    — Vous avez parlé vrai, Hugues, fit Ogier pour mettre un terme à un silence dont il était gêné sans raison.
    Des images terribles demeuraient incrustées dans ses yeux. Tous ces hommes que la mort lardait d’acier ou enveloppait dans un linceul de flammes. Horreur de vivre, horreur de mourir, horreur des cris et des plaintes d’ébouillantés. Tout ceci avait quelque chose de répugnant et d’exaltant. Jubilation de faire le mal comme on fait une bonne action ; et cette espèce de rafraîchissement de l’esprit et des sens enfiévrés quand l’ennemi, soudain, refluait !
    Un cheval hennit, puis un autre. Plaintivement. Griveau qui se disait fort en hippomancie n’était plus là pour entendre ces cris et décider s’ils étaient de bon ou mauvais augure, mais Guillaume, lui, parut y déceler un présage excellent :
    — Qu’ils viennent, ces païens ! Nous les réduirons en miettes, en charpies, en cendres !
    — Et nous ? demanda Ogier presque consterné par tant d’assurance. Nul ne peut sortir ce que nous deviendrons [30] .
    Il se sentit percé par un regard qui, tout au fond de lui, découvrait une peur certes recoquillée, mais vivace.
    — Nous, mon neveu ?… Nous sommes de granit et n’avons rien à craindre !

III
    La vesprée fut paisible et la nuit vint d’un coup. Les peaux des tambours vibrèrent, et bientôt des fracas de marteaux et de maillets s’ajoutèrent à leur tapage.
    — La male peste est proche, dit Guillaume lors de sa ronde d’après-souper. Ces démons reconstruisent leur malevoisine. Ils doivent également préparer des mantelets… Je suppose aussi qu’ils plantent des pieux pour retenir les cordes avec lesquelles ils descendront au fossé… Oyez ces

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