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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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un merlon.
    Il les regardait. Ils le regardaient, muets. Il n’y avait plus rien à dire. Attendre, tout simplement. Le vieillard avait toujours ses mains sur son sexe. Et ses yeux tombèrent soudain sur la flaque rouge, à ses pieds.
    — Ta vie te quitte par où tu as péché, dit Ogier, impassible.
    Saint-Rémy fit un pas de côté. L’arête du merlon. Ogier se tourna vers Adelis, livide. L’œuvre qu’elle avait accomplie était juste, hors de sa responsabilité à lui, Argouges, mais il la faisait sienne avec joie.
    — Messire, dit Adelis en jetant le poignard dans le vide, il devait trépasser par une main de femme.
    Un nouveau pas : le visage de Saint-Rémy se changea soudain en un masque d’enfant apeuré. Ogier l’entendit qui bredouillait : « Didier !… Didier ! » Une boue roussâtre apparut entre ses lèvres et englua sa barbe.
    — Vous… vous, dit-il en expectorant des caillots.
    Sa malédiction s’engloutit dans l’espace où il s’enfonçait, les bras ballants, à la renverse.
    Ogier se pencha au créneau par lequel cet homme effrayant avait chu.
    — Il est tombé presque devant la poterne.
    Il se retourna pour rassurer Adelis quant à son attitude. Elle avait disparu.
    — Ces femmes, murmura-t-il.
    Il se précipita dans l’escalier, vit au passage que la porte de la chambre de Mathilde était fermée. Il devait, lui, extraire le corps de Saint-Rémy du fossé et le jeter hors des murailles : ce pervers ne pouvait côtoyer les victimes de Rechignac.
    En bas, il ouvrit la poterne, aperçut aussitôt le poignard et en rompit la lame d’un coup de talon. Et tandis que, par le col de son surcot, il remontait le trépassé dans la grand-salle, puis le tirait au-dehors, il entendit les rires d’Aliénor et de Margot.
    — Enfin, dit la première, le crapaud est meurtri !
    — Point d’obsèques, surtout ! s’écria la seconde.
    — N’ayez crainte, toutes deux, les rassura Ogier.
    Dans la cour, il dispersa les curieux :
    — Éloignez-vous !… Guerpissez !
    Saladin que l’odeur du sang avait attiré repartit vers les écuries.
    — Place ! Place !… Il est mat… Que cela vous suffise.
    Il hissa Saint-Rémy jusqu’au chemin de ronde et derechef le traîna. Abandonnant leur guet, Blanquefort et Guillaume s’empressèrent à sa rencontre.
    — Tu l’as occis ?… Je sais que tu devais te revancher, mais pourquoi l’as-tu atteint en cet endroit ?
    — Il le fallait, mon oncle… et au risque de vous déplaire, je ne vous dirai rien de plus.
    Ogier approcha Saint-Rémy d’un créneau et, du pied, le bascula dans le fossé.
    — Le fait est que cet homme était un saligot.
    Il n’y avait ni regret ni acquiescement ni désapprobation dans la voix du sénéchal.
    — Ainsi soit-il, fit Guillaume. Pour tout dire, si son trépas ne me réjouit point, je n’en suis pas mécontent !

VI
    Le soir tombait. Le ciel moutonnait, fendillé par les derniers vols d’hirondelles. Dispersant celle des charniers, le vent lançait parfois, au sommet du donjon, l’odeur des brasiers allumés sur la plaine.
    — Trente-huit, grommela Ogier après les avoir comptés. Dix ou douze de plus que les soirs précédents. Canole a-t-il reçu des renforts ?
    Dans le lent va-et-vient des ombres autour des feux, rien ne laissait prévoir une attaque imminente.
    Il leva la tête. Accrochée à sa hampe de fer aussi haute qu’un mât, scellée au mur de l’échauguette d’angle, la bannière des Rechignac ondulait, et ses lions d’or, victimes du soleil et des intempéries, frémissaient, livides, sur l’étoffe décharpie de vieillesse.
    « C’est étrange, songea-t-il, quand j’étais là devant Saint-Rémy, elle nous couvrait de son ombre et je ne m’en suis pas aperçu tellement ce maudit me fascinait. »
    Il caressa l’aile de Titus dont il sentit, à travers le cuir de son gant, se retirer les ongles acérés.
    — Il fait doux, cette vesprée, dit Tancrède en apparaissant.
    Lorsqu’elle l’avait vu traverser le tinel, son rapace agriffé au poing, elle avait quitté Mathilde et les blessés. « Où vas-tu ainsi, cousin ? – Lui donner de l’air. Il en a tant besoin que je le mène aussi haut que possible. » Sans un mot, un regard, elle s’était éloignée. Il avait gravi l’escalier. Maintenant, elle était là, vêtue de sa robe vermeille, à la fois fluide et collante. Elle tenait son faucon comme un flambeau.
    — Il fait doux, en effet,

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